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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

Victor Platzer "Birdymuk": et de 100!

Victor Platzer "Birdymuk": et de 100!
Avertissement

Bonjour ami lecteur,

Comme le titre de cette page le suggère, tu viens d'atterrir sur le 100è article de ce blog. Un chiffre symbolique s'il en est et que je me dois de célébrer avec une critique qui sort de l'ordinaire. En effet, le couteau dont je vais te parler aujourd'hui, bien que récemment acquis, a une valeur particulière à mes yeux. Une valeur qui justifie que je démarre ce monologue par un avertissement.

Tout comme les Youtubeurs dotés d'un minimum d'intégrité préviennent leur public lorsqu'ils présentent un couteau qui leur a été offert par un fabricant à la recherche de pub bon marché, je me dois de te prévenir que mon avis sur le couteau du jour risque de manquer d'objectivité. Car si j'ai bel et bien payé cet outil à son juste prix, l'artisan qui l'a créé ne m'est en revanche pas totalement inconnu: je le fréquente à titre personnel et j'apprécie en premier lieu ses grandes qualités humaines.

Parce que Victor est avant toute chose un ami: ce doux dingue qui m'a littéralement cueilli à mon arrivée dans la communauté numérique des amateurs de couteaux et qui m'a ouvert les portes de sa forge sans aucune autre raison que l'envie de partager sa passion avec moi. Le genre de gars dont la gentillesse et la générosité ont le don de vous prendre au dépourvu.

Lorsqu'il s'est installé en tant que coutelier professionnel, je n'ai pas tout de suite envisagé de devenir son client. Au-delà du fait que ses créations résolument orientées "utilitaire/extérieur" ne correspondaient pas à mes besoins triviaux et citadins, j'étais surtout freiné par la crainte qu'une transaction puisse affecter la nature de notre relation. Oserait-il me réclamer le juste prix de son labeur? Serait-il prêt à me traiter comme un client ordinaire? Je connais le bonhomme, il est du genre à se mettre la rate au court-bouillon pour les copains!

Et puis l'occasion s'est présentée naturellement, de fil en aiguille, et j'ai finalement fait l'acquisition de l'une de ses réalisations.

Tout ça pour dire que mon avis sur le couteau que je suis sur le point de te présenter est nécessairement biaisé par la haute opinion que j'ai de son créateur. Néanmoins, je ferai tout mon possible pour en parler sans complaisance. Non seulement par respect pour toi, mon lecteur, mais aussi par respect pour l'artisan qui a accepté de se soumettre à ma critique et m'a fait promettre de ne pas le ménager: "j'ai besoin d'un avis honnête si je veux m'améliorer" (quand je vous dis que c'est un gars bien...).

Aussi, sans faire durer davantage le suspense, passons à la...

Présentation générale

Le terme "Birdymuk" vient du fait que cette ligne a initialement été implémentée par Victor à la demande d'un client dont le pseudonyme d'internaute est "Birdynamnam" et tire son inspiration (certes lointaine mais néanmoins réelle) du profil "Nessmuk" rendu célèbre par l'auteur éponyme.

Le "Birdymuk" originel, photographié par Victor avant la sortie de son atelier.

Le "Birdymuk" originel, photographié par Victor avant la sortie de son atelier.

Le même, mis en scène et immortalisé par son heureux propriétaire: Birdynamnam

Le même, mis en scène et immortalisé par son heureux propriétaire: Birdynamnam

Toi qui commences à connaître mes goûts pour les pointes tombantes et les fils dégagés, tu imagines à quel point ces photos n'ont pas manqué de retenir mon attention.

Réalisé sur commande, le "Birdymuk" dont j'ai fait l'acquisition (et qui se trouve être le deuxième exemplaire de ce modèle) est également une sorte de prototype puisque son manche en liège constitue une nouveauté pour Victor qui n'avait jusqu'alors jamais travaillé avec ce matériau... Parce que, quitte à tester de nouveaux trucs potentiellement foireux, autant le faire avec les copains.

Au pire, si ça ne marche pas, tu sais où me trouver!

Au pire, si ça ne marche pas, tu sais où me trouver!

Le résultat est esthétiquement sans concession: c'est un couteau rustique, affordant et qui ne demande qu'à être maltraité.

Il faut dire que Victor n'est pas vraiment dans le délire "couteau de vitrine". Il conçoit et réalise chaque outil dans le but que ce dernier soit utilisé de façon quotidienne et intensive. Après tout, c'est sa passion pour la nature et la vie sauvage qui l'a amené à se forger ses propres lames, faute de trouver son idéal chez les autres.

Et si ses créations peuvent donner à certains l'impression d'être primitives...

Comme en témoigne cet échantillon présenté à l'événement "Pen Ar Kontell" en juin 2023

Comme en témoigne cet échantillon présenté à l'événement "Pen Ar Kontell" en juin 2023

...C'est sans compter sur le fait que chacun de ses couteaux est éprouvé bien au delà de ses fonctions théoriques. Allant parfois jusqu'à couper des clous pour tester la robustesse de son tranchant lorsqu'il s'agit de modèles destinés à des tâches particulièrement extrêmes.

Nous sommes donc à des années-lumière du couteau gadget en acier approximatif dont l'aspect "médiéval/primitif" n'a pour but que d'éveiller une nostalgie bon marché. L'approche de l'artisan est au contraire purement pragmatique et pratique: le design, les matériaux et la méthode de travail sont choisis en fonction d'un cahier des charges précis et avec pour objectif de livrer un outil parfaitement fonctionnel et fiable.

Son souci de créer des lames robustes et durables tourne parfois même à l'obsession. Parce que OUI: quatre normalisations et un revenu sélectif, c'est parfois un peu "overkill" lorsque son client lui demande juste de quoi couper le saucisson et éplucher les pommes.

Et si je te cause de ses traitements thermiques en particulier, c'est parce que le gars a quand même une certaine expérience dans le domaine, à force d'échanger avec des experts reconnus et de répéter encore et encore les mêmes expérimentations sur des échantillons qu'il casse à la presse hydraulique pour valider sa méthode.

Quand il ne s'amuse pas à élaguer une foret sur son temps libre...

En l'occurrence, mon cahier des charges à moi était plutôt éloigné de ce genre de préoccupations bucheronnesques: je voulais un couteau qui me parle esthétiquement, capable de me servir pour la préparation alimentaire, le petit bricolage dans le jardin ou le poulailler, et qui soit confortable à l'usage.

Autant de raisons pour lesquelles on y retrouve des marqueurs qui me sont chers tels que la pointe basse, la courbe régulière et modérément tendue du tranchant, le fil dégagé du manche pour travailler confortablement sur une planche à découper et l'absence d'entablure. Le manche généreux et le liège sont ensuite nés d'un processus itératif de proposition/validation, comme c'est souvent le cas lorsque Victor travaille sur une commande.

Pour préparer cet article, je me suis donc imposé un protocole de test rigoureux d'une durée de plusieurs semaines, au cours desquelles j'ai utilisé ce couteau de façon quotidienne et exclusive, aussi bien pour confectionner et consommer mes repas (apéro inclus, obligé...), que pour tailler à la volée les ronces et la glycine qui s'invitent dans mon jardin et dans l'enclos des poules.

...Et puis, confiant dans les capacités de mon nouveau jouet, j'en ai également profité pour mettre des étoiles dans les yeux de mon fils en pratiquant avec lui quelques gestes de bivouac (le petit ne parle plus que de ça depuis qu'il a vu Victor allumer un feu "comme un homme des bois"). Au programme donc: bâtonnage, copeaux, et autres grattages de férrocérium. Autant de domaines dans lesquels mon incompétence est mondialement reconnue.

Parce qu'avec un tel niveau de maîtrise, le fil d'un couteau ordinaire aurait roulé au mieux, cédé au pire.

Parce qu'avec un tel niveau de maîtrise, le fil d'un couteau ordinaire aurait roulé au mieux, cédé au pire.

Dit de façon plus crue: je n'ai jamais autant maltraité un couteau de ma vie. Je lui en ai collé plein la tronche et d'une façon particulièrement maladroite. Et que je te bâtonne sur le côté du fil en tenant mon couteau de travers, et que je te cogne contre un caillou en voulant tailler une ronce à la volée, et que je te taille un bout de bois n'importe comment en faisant tourner ma lame...

J'ai pris à la fois un plaisir cathartique à infliger à ce couteau ce que je n'avais jamais osé faire avec une de mes pièces de collection, et une grosse claque dans la tronche en constatant ce qu'un morceau de métal était capable d'endurer quand il a été correctement préparé. C'est bien simple: après une semaine de maltraitance caractérisée, mon couteau éminçait toujours aisément deux oignons avant que les larmes ne me montent au yeux...

Comme chacun le sait: "moins bien le couteau est affûté, plus l'oignon fait pleurer".

Comme chacun le sait: "moins bien le couteau est affûté, plus l'oignon fait pleurer".

...et coupait toujours des pétales de concombre avec une facilité déconcertante.

Trannnkil

Trannnkil

Seule la préparation du poisson cru pour le Chirashi du dimanche midi aura nécessité un passage à la céramique lisse, histoire de redonner à mon couteau le mordant qui lui manquait pour ne pas écraser la chair du saumon.

Tout en douceur...

Tout en douceur...

Alors autant dire tout de suite que pour critiquer cet outil, je vais devoir mettre mon costume d'enfileur de mouches.

Une lame équilibrée

A défaut d'être résistante à la corrosion, la lame du Birdymuk présente un équilibre pertinent de qualités, que cela soit d'un point de vue géométrique ou mécanique.

Et en plus, elle est agréable à regarder.

Et en plus, elle est agréable à regarder.

Caractéristiques techniques
Longueur 117mm
Longueur de coupe 113mm
Hauteur 38mm
Épaisseur 2.6mm
Épaisseur derrière le fil 0.4mm
Angle d'émouture primaire 1.65°
Type d'émouture primaire Convexe
Matériau 80CrV2
Dureté Bien assez*

(* à une vache près)

Initialement prévue à 3mm d'épaisseur, cette lame a bénéficié de l'enthousiasme de son créateur (qui ne s'arrête plus quand on le laisse jouer avec son marteau) pour s'affiner encore de quelques dixièmes. Il en résulte une trancheuse infatigable à l'angle d'émouture particulièrement contenu.

Elle profite en outre de la convexification de son biseau secondaire (et donc de l'absence d'angle susceptible d'entraver sa progression) pour pénétrer dans la matière avec une facilité déconcertante, qu'il s'agisse de légumes durs qu'elle coupe sans les faire éclater, ou d'un morceau de bois sec dont elle tire des copeaux sans effort.

Ahh, si j'avais eu un outil pareil dans ma jeunesse...

Ahh, si j'avais eu un outil pareil dans ma jeunesse...

En dépit de sa finesse, elle conserve une grande robustesse, comme en témoigne l'absence de dégâts subis lors de mes pitoyables gesticulations bushcraftesques.

La seule raison qui aurait donc à mon sens justifié un épaississement de cette lame serait purement ergonomique car, lors des travaux nécessitant d'exercer une forte pression avec le pouce sur le dos de la lame, l'étroitesse cette dernière rend l'opération d'autant plus douloureuse que ses angles n'ont pas subi le moindre travail d'adoucissement. Mais le Birdymuk n'est pas non plus un couteau de camp, et un épaississement de sa lame aurait nécessairement eu des conséquences fâcheuses lors de son utilisation culinaire et alimentaire.

Vue de profil, elle offre un tranchant bien dégagé et à l'arrondi régulier; relativement tendu et parfaitement fonctionnel. Elle ne laisse pas échapper la matière lorsque l'on travaille sur des coupes droites (type copeau) tout en permettant une bonne liberté de mouvement sur les coupes enroulées (type éminçage sur plan).

Sa pointe centrée permet de travailler en estoc...

J'ai parlé de l'épreuve du lancer de couteau?

J'ai parlé de l'épreuve du lancer de couteau?

...tandis que la courbure de son dos offre un appui stable pour le plat de la main (pour les coupes façon "massicot" sur le plan de travail) tout en étant agréable à l'œil. Enfin au mien.

Au niveau des coquetteries, on retrouve au dessus du satiné "à la bande moelleuse" quelques traces du brut de forge originel, mais que le travail d'émouture a néanmoins fait disparaître en grande partie. J'aurais personnellement apprécié un peu plus de brut de forge offert au regard par le biais d'une émouture plus basse, mais dont la conséquence aurait été un angle plus obtus et donc une moins bonne pénétration.

La vie est une question de compromis.

Et si tu te poses la question au sujet du poinçon du créateur: non il ne représente ni une pomme de pin, ni un menhir, mais la version stylisée du biface préhistorique que le forgeron s'est amusé à revisiter dans une implémentation moderne à l'occasion du lancement de sa micro-entreprise.

Et avec un biface sur un biface, on est dans la figure fractale façon "vache qui rit".

Et avec un biface sur un biface, on est dans la figure fractale façon "vache qui rit".

Pour finir ce tour d'horizon lamesque, parlons un instant du 80CrV2 utilisé par l'artisan: un acier à haute teneur en carbone et enrichi au vanadium qui présente de bonnes propriétés mécaniques et tout en restant relativement facile à travailler à la forge.

Grâce aux soins attentionnés de Victor (multiples normalisations pour corriger l'éventuel grossissement du grain pendant la forge, revenu sélectif pour améliorer la robustesse du dos de lame sans compromettre la dureté du tranchant), la lame qui en est constituée offre à la fois une excellente résistance et une surprenante longévité de tranchant. En outre, une fois fatigué son fil se reconstitue aisément en quelques passages sur une tige de céramique fine.

Et comme cet alliage n'est pas "inox", le couteau patine avec le temps et l'usage.

Ça s'installe tranquillement...

Ça s'installe tranquillement...

Un manche tout confort

Si le recul manque pour évoquer la tenue du liège dans la durée, à court terme ses qualités sont d'autant plus indéniables qu'il est ici proposé dans des dimensions généreuses favorisant une excellente prise en main.

Un manche qui dit: "Viens, serre-moi fort!"

Un manche qui dit: "Viens, serre-moi fort!"

Caractéristiques techniques
Longueur 112mm
Hauteur 36mm
Épaisseur 27mm
Intercalaires G10
Plaquettes Liège renforcé au micarta artisanal
Montage Plate semelle

S'il y a bien un truc que Victor a appris à force de taper sur tout ce qui ne bouge pas avec ses couteaux, c'est l'importance d'une bonne prise en main. Et le bougre a peaufiné le design de ses manches avec les années: aucun angle vif, aucune arête saillante, chaque source potentielle d'inconfort est traqué avec un acharnement qui confine à la névrose.

Le résultat est à la hauteur des efforts fournis: les lignes de ce manche épousent les contours de la main et ses volumes généreux en remplissent l'espace pour assurer un maintien efficace et sans effort superflu. Et cela quelle que soit la position adoptée.

En prise normale, la dépression à l'avant du manche accueille et sécurise l'index tandis que les autres doigts trouvent naturellement leur place dans l'espace disponible. L'évasement du pommeau prévient tout risque de voir le couteau s'échapper vers l'avant.

Ça passe juste juste, mais ça passe.

Ça passe juste juste, mais ça passe.

A posteriori, et puisqu'il faut aussi pointer du doigts ses défauts, je regrette de ne pas avoir pris le temps de prendre l'ébauche en main avant d'en valider les dimensions. L'évasement du pommeau se produit quelques millimètres trop tôt et mon petit doigt se trouve parfois à cheval entre ce relief et le cul du manche lorsque je saisis mon outil à la hâte. Sans être inconfortable, cette situation se révèle parfois déroutante d'un point de vue haptique.

Sa longueur totale de manche "tout juste suffisante" ne permet aucune approximation.

Sa longueur totale de manche "tout juste suffisante" ne permet aucune approximation.

En reculant sa prise pour gagner en inertie lors des coupes à la volée, ce même évasement permet de bien verrouiller le couteau avec deux doigts seulement, et le troisième rivet qui est creux et fait également office de passe-lacet permet de sécuriser davantage son outil en passant une lanière autour du petit doigt.

Je n'ai pas (encore) installé de lanière, mais en même temps je ne pratique pas la coupe à la volée de façon régulière.

Je n'ai pas (encore) installé de lanière, mais en même temps je ne pratique pas la coupe à la volée de façon régulière.

Enfin, en inversant sa prise pour prendre appui sur le cul du manche avec le pouce dans les situations où une grande force de perforation est requise, le susdit doigt opposable trouve une confortable rampe grâce à laquelle il peut transmettre un maximum d'énergie.

Limite ça donne envie de planter son couteau dans tous les morceaux de bois que l'on croise.

Limite ça donne envie de planter son couteau dans tous les morceaux de bois que l'on croise.

L'ensemble est servi par le contact ferme et pourtant moelleux du liège, et dont les propriétés antidérapantes sont remarquables, même (surtout) avec les mains moites ou humides.

A vrai dire, le contact avec ce matériau est si agréable que j'en arrive presque à regretter la présence des renforts en fil de jute noyés dans la colle époxy que Victor a installé entre les rivets "pour être complètement sûr que ça tienne". Bien que n'ayant pas le couteau depuis longtemps, j'ai eu l'occasion et la maladresse d'éprouver la résistance du liège maritime utilisé par l'artisan (le même dont on fait les supports pour lignes de pêche à la traîne) ainsi que son assemblage avec le manche.

Qu'il s'agisse de taper sur le manche au lieu de la lame en voulant bâtonner ou de racler accidentellement le liège contre le crépi du mur de mon garage, je suis rapidement arrivé au constat que le matériau était suffisamment robuste et son collage avec la plate semelle bien assez résistant pour ne pas nécessiter cette inclusion de résine polymère dont la surface dur et lisse contraste négativement avec le toucher organique du liège.

Et tandis que le liège offre au regard une texture certes rustique, mais originale et plaisante, le renfort qui l'accompagne ne s'intègre pas parfaitement à l'ensemble d'un point de vue visuel. Conclusion: [si c'était/quand ça sera] à refaire, je prendrai[s] le risque de partir sur un montage "juste collé" pour profiter pleinement des qualités de ce matériau. Et je garderai les intercalaires en G10 rouge qui apportent une petite touche de pep's visuel ma foi bien plaisante!

C'est à prendre ou à laisser. Perso, je garde.

C'est à prendre ou à laisser. Perso, je garde.

Un port à l'ancienne

Malgré ses dimensions pour le moins généreuses et sa plate semelle intégrale, le Birdymuk liège n'accuse qu'un tout petit 155g sur la balance, ce qui le rend plus transportable que bien des framelocks titane pourtant moins bien pourvus en longueur de lame.

Il n'en reste pas moins que ce couteau passe difficilement inaperçu à la ceinture. Son format ne joue pas en faveur de la discrétion, évidemment, mais on peut également pointer du doigt un étui volumineux et qui se suspend à la ceinture plus qu'il ne s'y fixe.

"Ça pendouille", comme on dit dans les milieux scientifiques.

"Ça pendouille", comme on dit dans les milieux scientifiques.

La conséquence de cette simplicité architecturale délibérée (l'étui n'étant facturé qu'une dizaine d'euros à son client -si, si-, Victor ne passe pas non plus des heures dessus...), c'est l'impossibilité de courir après le bus sans poser la main sur son couteau pour l'empêcher de voler dans tous les sens.

Et quand je dis "courir après le bus", il faut y voir une métaphore hein, parce qu'en toute honnêteté, je ne recommanderai à personne de sortir en public avec un tel outil à la taille. Les gens ne comprendraient pas... Autant ce couteau est un coup de cœur personnel, autant je comprends parfaitement l'émoi qu'il peut susciter chez le profane de par son aspect brut et massif.

Un rapport qualité/prix qui dépote

Difficile de prédire le prix auquel s'arracheront les couteaux de Victor lorsqu'il sera mondialement célèbre et que les spéculateurs rafleront ses tables dès l'ouverture des salons, mais pour l'instant ses créations sont remarquablement abordables au regard de leur qualité de réalisation et du service client qui vient avec le couteau. J'ai payé mon Birdymuk 170€, étui compris.

Je parle ici de qualité de réalisation dans un contexte purement utilitaire: une géométrie adaptée au besoin, un tranchant parfaitement aligné et centré, une émouture convexe aux petits oignons, un traitement thermique soigné à la limite de l'obsession... Des aspects de sa production que l'on ne retrouve pas toujours chez certains artisans pourtant bien plus connus/côtés que lui.

En revanche, comme je l'ai déjà dit, Victor ne fait pas (encore) dans la broderie fine. Si vous espérez un interframe en damas à motif peau de lézard avec un manche en bois fossilisé décoré d'inclusions en nacre d'huitres centenaires, passez votre chemin. Un jour futur peut être?... Pour l'instant, les matières sont brutes et les finitions focalisées sur les aspects pratico-pratiques de l'outil et non sur son esthétique, comme en témoignent ces manches en cuir lacé qui sont sa marque de fabrique et dont l'aspect primitif cache une efficacité redoutable une fois le couteau en main.

Et puisque je parle du service client qui accompagne le couteau, je peux vous garantir pour l'avoir vu à l'œuvre que cet artisan est prêt à se plier en quatre pour satisfaire ses clients, que cela soit durant la phase de préparation du projet lors de laquelle il n'économise pas ses efforts pour s'assurer avoir parfaitement compris les besoins et les attentes de son commanditaire, ou au moment de la livraison (régulièrement accompagnée de petites attentions aussi spontanées que touchantes) à l'issue de laquelle il s'assure d'avoir répondu aux attentes de l'acheteur, quitte à devoir se remettre à l'ouvrage si nécessaire.

Et en disant cela, je ne parle évidemment pas de ma propre expérience (nécessairement biaisée par notre relation amicale) mais de la façon dont je l'ai vu travailler avec ses "vrais" clients.

Une conclusion partiale

...un peu quand même.

Parce que j'ai bel et bien trouvé quelques détails qui mériteraient d'être retravaillés pour la prochaine mouture de ce modèle (manche tout en liège et un poil plus long, dos de lame adouci...), mais dans l'ensemble, je suis quand même vachement conquis à la fois par l'objet et par son créateur. Au point justement de penser à la prochaine mouture.

Le paradoxe, c'est que malgré (ou grâce à) toute l'affection que j'ai pour ce couteau, je n'éprouve pas le moindre remord à lui en faire voir de toutes les couleurs. Peut-être faut-il y voir un mélange de confiance dans l'outil et de respect vis à vis du forgeron qui n'apprécierait sans doute pas de le trouver planqué derrière une vitrine lors de son prochain passage à la maison... Qui sait?

Quoi qu'il en soit, il n'est pas prêt de quitter ma ceinture!

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