Un démanilleur-décapsuleur: la seule utilisation décente que l'on puisse faire du 316L en coutellerie.
Les interdits
???
Carbone | 0.022% |
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Chrome | 17.5% |
Molybdène | 2% |
Nickel | 12% |
Manganèse | 2% |
Azote | 0.11% |
Silicium | 0.75% |
Phosphore | 0.045% |
Sulfure | 0.02% |
Le micrographe ci-dessus vient de quelque part sur l'Internet. Aucun site spécialisé dans les aciers de coutellerie n'a jamais pris la peine de regarder cet alliage au microscope.
Dureté usuelle | 26 HRC |
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Résilience(1) | 5/5 |
Mordant du fil(2) | 0/5 |
Tenue du tranchant(2) | 0/5 |
Facilité d'affûtage(2) | 0/5 |
Résistance à la corrosion(1) | 5/5 |
(1) Données arbitraires mais néanmoins cohérentes
(2) D'après mon expérience empirique, étant donné les géométries de lame à ma disposition
Il y a une raison simple pour laquelle l'intégralité des acier de coutellerie sont dits "martensitiques": ils sont majoritairement constitués de martensite. La martensite est l'une des trois principales structures atomiques que peut adopter le mélange de fer et de carbone, aux côtés de la ferrite et de l'austénite qui donnent respectivement lieu aux aciers dits "ferritiques" et "austénitiques".
La martensite se forme lors de la trempe de l'acier. Elle constitue la forme la plus dure qu'un acier puisse adopter, ce qui en fait un état optimal lorsque celui-ci est destiné à former un tranchant fin et durable.
La ferrite et l'austénite, en revanche, sont des formes beaucoup plus malléables, mais également plus résilientes et ductiles, ce qui les rend particulièrement adaptées à la forge et/ou à l'emboutissage. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les aciers de coutellerie passent pas des états ferritiques et austénitiques avant leur trempe finale en martensite.
Mais les propriétés mécaniques, chimique et magnétiques de la ferrite et de l'austénite en font également des formes intéressantes pour d'autres domaines d'application tels que les industries agro-alimentaires, automobiles ou encore pétrochimiques, ce qui leur donne toute légitimité à exister en tant que tels.
Les aciers austénitiques, toutefois, ne sont pas évidents à produire car l'austénite a naturellement tendance à se transformer en ferrite en dessous de 721°c. Ce n'est que grâce à l'ajout de composants tels que le nickel et le manganèse en quantité suffisante que l'on peut stabiliser cette structure à température ambiante. En contrepartie, les aciers ainsi obtenus sont réputés pour leur grande malléabilité, leur forte résilience et leur excellente résistance à la corrosion, surtout lorsqu'ils sont alliés avec suffisamment de chrome.
Le 316L, avec ses 12% de nickel et ses 2% de manganèse est donc un acier austénitique, de surcroît pratiquement immunisé à la rouille en milieu salin grâce à son taux élevé en chrome, ce qui le rend particulièrement adapté à la confection de pièces d'accastillage marin. Mais en tant qu'acier austénitique, le bon sens voudrait qu'il n'apparaisse jamais sur les pages d'un blog dédié à la coutellerie car s'il possède des propriétés intéressantes pour constituer le manche ou la quincaillerie d'un couteau inoxydable, il ne peut en aucun cas former un tranchant acceptable pour une lame...
C'était sans compter sur le trait de génie d'un fabricant français d'accastillage justement marin (Wichard, pour ne pas le nommer) qui jugea bon, au début des années 2000, de réaliser des couteaux avec le même acier que celui dont il faisait ses manilles et ses poulies. Comme on peut s'y attendre, le résultat est tout simplement désastreux: incapable de former un tranchant acceptable, le fil d'une lame fait en 316L s'émousse au moindre contact avec un matériau plus dur que lui, c'est à dire pratiquement tout à part la mie de pain.
J'ai pourtant presque tout essayé au cours de la dizaine d'années où, l'ignorance aidant, une paire de couteaux faits de cet alliage étaient les seuls représentants de ma future collection; mais rien qu'en essayant de couper du fil à linge j'ai réussi à flinguer le tranchant difficilement obtenu sur l'un d'eux à l'issue d'une interminable séance d'affûtage.
Le recul aidant, j'imagine à présent aisément comment cet usage aberrant d'un acier aussi parfaitement inadapté à la coutellerie a pu contribuer à répandre le mythe que "les aciers inox ne coupent pas". Sauf que le problème n'a jamais été lié au fait que l'acier en question soit inoxydable, mais plutôt à celui qu'il n'a rien à foutre sur la lame d'un couteau.
Je n'ai donc qu'une chose à dire: BRAVO.
Bravo Wichard pour avoir contribué pendant 20 ans à saboter la réputation des aciers inox de coutellerie, et pour avoir rendu une quantité considérable de gens plus ignorants et bourrés de préjugés qu'ils ne l'étaient déjà.