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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

Civivi "Vision FG": la hype

Civivi "Vision FG": la hype
Et de trois!

Non, tu ne rêves pas cher et fidèle lecteur, trois pépites de rang sur ce blog! Et à quelques jours d'intervalle seulement! C'est du jamais vu...

Rassure-toi, nous reviendrons bientôt aux sordides critiques de couteaux un peu loupés (ou totalement foirés, selon ce qui me tombe sous la main). Mais dans l'immédiat, je dois soulager un besoin urgent de dire du bien d'un modèle récent, ne serait-ce que pour faire comme tout le monde sur l'Internet.

Aujourd'hui, nous allons causer d'une acquisition récente, qui est restée longtemps en attente dans ma liste de souhaits sans que je n'ose passer à l'acte. Or, le site de vente en ligne sur lequel j'ai l'habitude de faire mon shopping a lancé fin octobre une offre promotionnelle immanquable: pour chaque panier d'un montant supérieur à 50€, un couteau d'office offert! N'ayant absolument pas besoin d'un couteau d'office supplémentaire, je n'ai donc pas pu résister à cette opportunité et trouvé de quoi remplir un panier de plus de 50€

Et le jeu en valait la chandelle!

Et le jeu en valait la chandelle!

Quelques jours plus tard, j'étais donc l'heureux possesseur d'un Civivi Fusion FG. Et deux semaines d'utilisation quasi exclusive encore plus tard, j'avais de premiers éléments pour disserter au sujet de ce modèle qui a déjà fait couler beaucoup d'encre sur la toile.

Présentation générale

Ce modèle atypique, tout droit sorti de l'imagination du designer Malaysien Snecx Tan, avait sa propre histoire avant même de recevoir le logo Civivi. C'est en effet en tant que production "custom" que le coutelier asiatique, déjà fort d'une belle reconnaissance internationale, a pour la première fois fait découvrir au monde sa "vision" d'un couteau moderne et audacieux.

Mû par la motivation de rendre sa création parfaitement ambidextre, Snecx crée un couteau dont le clip de poche (qu'il n'intègre bon gré, mal gré, suite à la pression de ses clients) est positionné sur le dos du manche, et imagine pour lui un mécanisme de verrouillage original qu'il appellera Super Lock, et qui deviendra pas la suite sa véritable "marque de fabrique".

Un vision Q (pour... Qustom?)

Un vision Q (pour... Qustom?)

Le succès est immédiat et les premiers modèles trouvent des acquéreurs disposés à débourser jusqu'à 4500€ pour mettre la main sur un exemplaire produit par ce coutelier à la popularité explosive.

Mais le designer ne s'arrête pas là et entend mettre sa création à la portée de toutes les mains. Il s'associe alors avec le fabricant chinois We Knife, dont nous avons déjà parlé dans ces pages, pour proposer au début de l'été 2022 une version "grand public" de son design, sous l'appellation "Vision R" (pour... gRand public?)

Industriel, mais pas beaucoup plus conventionnel...

Industriel, mais pas beaucoup plus conventionnel...

Mais, avec sa lame en CPM 20CV et son manche en titane, l'objet coûte encore la bagatelle de 350€ et reste hors d'atteinte de la plupart des amateurs au budget contenu.

C'est donc sous le giron de la "petite soeur" CIVIVI, marque milieu de gamme de la We Knife Company dont j'ai déjà parlé dans ces pages, que le design de Snecx va finalement rencontrer, début 2023, son plus large public sous l'appellation "Vision FG" (pour Field Grade, et ce coup-ci, j'en suis certain!).

Nous y voilà!

Nous y voilà!

Cette troisième interprétation du design malaysien se voit dotée de matériaux plus modestes destinés à contenir son prix en dessous de la barre psychologique des trois chiffres, et reçoit quelques modifications destinées à le rendre plus conventionnel (et donc acceptable pour l'amateur lambda).

Il faut en effet savoir que le vision a été conçu à l'origine comme un "couteau de cuisine pliant". Catégorie qui a vu passer les initiatives les plus maladroites comme les plus réussies. Les connaisseurs n'auront d'ailleurs pas manqué de deviner, à la vue de son fil tendu et de l'angle que forme ce dernier avec le manche, que ce couteau est particulièrement agréable à utiliser sur un plan de travail.

Snecx voulait donc créer un couteau ambidextre (mais ça, nous l'avons déjà dit) destiné à évoluer au contact de produits humides et juteux, susceptibles de souiller la charnière et le mécanisme de verrouillage. Raison pour laquelle les deux caractéristiques clefs des Vision "Q" et "R" sont un clip (dont le designer ne voulait pas, au départ) situé sur le dos du manche et un mécanisme de verrouillage démontable sans outil, destiné à faciliter l'entretien de la charnière. Or, ces deux caractéristiques se sont avérées des freins pour la plupart des utilisateurs: le clip posant un souci d'ergonomie et le mécanisme démontable créant un sentiment d'insécurité certes infondé mais néanmoins ressenti.

La déclinaison "FG" corrige donc, si l'on peut dire, ces deux aspects pour rendre le couteau familier au plus grand nombre. Et c'est sur cette version que nous allons disserter ensemble aujourd'hui.

Une lame alimentaire

Parce que oui, aujourd'hui tu vas disserter avec moi. En tout cas, la représentation mentale que je me fais de toi, lecteur, va causer dans ma tête pour me poser les questions auxquelles j'ai envie de répondre. Cette approche me permet en effet d'être absolument partial tout en donnant l'impression du dialogue.

"Heuuu, t'es sûr que ça va dans ta tête?"

Et oui, je vais très bien, merci de poser la question.

Il est temps de trancher sur le sujet (ho, ho, ho!).

Il est temps de trancher sur le sujet (ho, ho, ho!).

Caractéristiques techniques
Longueur 90mm
Longueur de coupe 78mm
Hauteur 28mm
Épaisseur 3mm
Épaisseur derrière le fil 0.4mm
Angle d'émouture primaire 3.38°
Type d'émouture primaire Plate
Matériau Nitro-V
Dureté* 60 HRC

(* Données constructeur)

"Nan? Sérieux? Encore un profil en pied de mouton???!"

Ok, ok... J'avoue, c'est la troisième critique de rang sur un couteau qui présente ce profil de lame. MAIS je tiens à préciser que, dans ce cas précis, je ne trouve pas la silhouette du Vision particulièrement harmonieuse. Trop haute à la base, trop agressive à la pointe, cette lame me séduit plus par ses qualités pratiques que par son aspect visuel.

Car sur la planche à découper, c'est un vrai régal. Et cela malgré une épaisseur de lame trop importante pour une utilisation exclusivement "cuisine", mais parfaitement compréhensible s'agissant d'un couteau de poche susceptible de servir à l'improviste pour d'autres types de tâches.

C'est pas un couteau de chef, mais il fait le taf.

C'est pas un couteau de chef, mais il fait le taf.

"Mais encore?"

Et bien il me semble opportun de préciser que l'épaisseur dont je viens de parler est compensée par une émouture pleine qui forme par conséquent un angle relativement aigu, et qui ne laisse également que peu de matière derrière le fil. Le vision est rasoir en sortie de boîte et son acier renforcé à l'azote retrouve son mordant après quelques passes légères sur un fusil en céramique ou même le revers de la ceinture. Alors évidemment son tranchant n'est pas immortel, loin de là, mais son entretien est d'une telle facilité qu'on le lui pardonne aisément.

Suggestion d'un moment de détente.

Suggestion d'un moment de détente.

"Ok, il coupe. C'est bien. Mais c'est un peu le principe d'un couteau non?"

Certes, cher ami, je le concède. Permets-moi néanmoins de souligner que, dans le contexte d'usage alimentaire qui a été le sien durant la période où je l'ai testé, le Vision s'est révélé un fort agréable compagnon grâce à la progression bien dosée de son tranchant. Sa pointe, que l'on pourrait qualifier de "basse", bien qu'elle se trouvasse de facto dans l'axe du manche grâce à un subtil jeu d'angles, permet de tirer des coupes nettes et précises. A moi, les dés de pommes de terres! A moi, les bâtonnets de carotte!

Dans le même temps, son tranchant tendu roule sans effort sur les feuilles de persil et de coriandre pour les émincer finement, tandis que sa longueur de coupe utile permet de s'attaquer à des pièces aux dimensions respectables (oignons, fruits...) et même à la motte de 500g aux cristaux de sel, sans pour autant souiller l'articulation.

Le sempiternel test du beurre, parce que BZH quoi!

Le sempiternel test du beurre, parce que BZH quoi!

Pour l'usage bricolage, en revanche, on pourra lui reprocher un fil "fuyant" qui a tendance à laisser la matière s'échapper lorsqu'on pousse droit sur le manche. Pour cette raison et aussi à cause d'une poignée imparfaitement confortable, je ne n'envisagerai de tailler du bois qu'à contrecœur armé d'un tel outil.

"Parce que ça t'arrive de tailler du bois, à toi, le citadin bobo parisien?"

Et bien oui, figure-toi! Il m'arrive, lors de mes promenades champêtres, de prélever à la nature quelques branches ou rameaux de bois vert pour confectionner à mes jeunes compagnons épées et poignards improvisés. Non seulement ça leur permet de se taper dessus plutôt que de me casser les noix, mais en plus ça me donne de quoi écrire sur mon blog. 

J'ai pas non plus dit que c'était du Rodin, hein!

J'ai pas non plus dit que c'était du Rodin, hein!

"On s'en fout."

Certes... Et je constate que tu n'es pas tendre avec moi, cher lecteur imaginaire mais néanmoins exigeant. Raviverai-je ton intérêt en élucubrant désormais sur les qualités esthétiques de cet outil? Comme je l'ai dit, et en dépit d'un profil typé "pied de mouton" d'habitude cher à ma sensibilité esthétique, je trouve la lame du Vision assez déséquilibrée d'un point de vue visuel.

La faute à une base haute, nécessaire pour dégager le départ de fil et permettre son utilisation sur plan, combinée à une pointe effilée qui rend les coupes de précision agréables. Il en résulte que cette dernière, en dépit de son apparence "tombante", se retrouve de facto dans l'axe du manche, comme je l'ai déjà dit. Ainsi équipé, le couteau me fait penser à une chaussure à talon lorsqu'on le tient avec le fil à l'horizontale.

Tu vois le délire ou pas?

Tu vois le délire ou pas?

"Mais c'est pas vrai! Voilà qu'il nous déverse ses délires fétichistes sur son blog de m..."

Hum... Du côté des coquetteries, on remarquera que j'ai choisi une déclinaison dont la lame est enduite d'un revêtement noir constitué, selon toute vraisemblance, de nitrure de titane. Un procédé que j'ai présenté pour la première fois avec le Cryo de Kershaw.

Par rapport à une finition satinée, je trouve que ce revêtement procure (attention, ceci est une opinion 100% subjective et infondée) une "glisse" à la lame qui facilite les coupes, notamment alimentaires. En revanche, même si l'aspect visuel d'une lame noire plaît à ma compagne...

"Et maintenant, il étale sa vie privée! Pitié, faites-le faire!"

...il me laisse pour ma part plutôt de marbre, en raison de la connotation "tactique" qui y est souvent associée.

Le marquage, quant à lui, est pour le moins minimaliste, comme CIVIVI nous y a habitués. Un côté droit complètement vierge de toute mention.

Less is better.

Less is better.

Tandis que le côté gauche arbore fièrement la mention "design by snecx" (un gage de succès commercial) et, un peu moins fièrement puisque pratiquement indécelable, la nature de l'alliage utilisé pour cette lame.

Tu vois? Non?

Tu vois? Non?

Mais si, à la base de l'entablure, là!

Mais si, à la base de l'entablure, là!

Alors que mes yeux vieillissant avaient du mal à trouver cette fameuse mention "Nitro-V", que je supposais présente par expérience, je me suis quand même demandé à quoi ça servait de l'écrire en aussi petit.

"Ok, t'es bigleu, on a compris. On passe à la suite maintenant?"

Merci de me servir cette transition sur un plateau d'argent. Car il est à présent temps de nous intéresser à la seconde moitié du vision.

Un manche plein de trous

Avec des lignes à mi chemin entre l'organique et l'anguleux, le manche du Vision attire inévitablement l'attention. Mais ce que l'on remarque en tout premier lieu, ce sont ces orifices circulaires qui l'ouvrent de part en part.

En tout cas, on ne peut lui nier un fort caractère.

En tout cas, on ne peut lui nier un fort caractère.

Caractéristiques techniques
Longueur 112mm
Hauteur 25mm
Épaisseur 12.3mm
Platines Acier inox
Plaquettes Ultem

Mais les susdits orifices ne sont pas là que pour la déco! N'oublions pas que Snecx a souhaité dessiner un couteau destiné à l'usage culinaire, susceptible de recevoir des projections liquides et même de devoir y plonger à l'occasion. Raison pour laquelle son manche est largement ajouté de sorte à en faciliter le nettoyage.

Le mécanisme de verrouillage empêchant le manche d'être complètement ouvert sur ses tranches, c'est donc à l'aides des orifices pratiqué sur ses flancs que l'on chassera corps et liquides étrangers indésirables, y compris ceux logés dans le mécanisme de verrouillage lui-même.

Une délicate attention que l'on apprécie à sa juste valeur.

Une délicate attention que l'on apprécie à sa juste valeur.

"Enfin une information utile! C'est pas trop tôt. Mais sinon, à part ça, il donne quoi ce manche dans la main?"

J'allais y venir, impatient interlocuteur imaginaire.

Doté de dimensions généreuses, le manche du Vision offre largement de quoi héberger les quatre doigts, surtout si l'on profite du départ de fil -singulièrement éloigné de la charnière- pour avancer sa prise au plus près du tranchant.

A l'aise...

A l'aise...

...encore plus à l'aise, mais moins adapté aux coupes sur plan.

...encore plus à l'aise, mais moins adapté aux coupes sur plan.

Pour ce qui est du confort, en revanche... ...disons qu'on se réjouira de ne pas avoir à pousser trop fort sur cette poignée pour arriver à ses fins.

Bien que chanfreinées sur tout leur pourtour, les plaquettes restent relativement anguleuses et pas forcément confortables à l'effort. A cela il faut rajouter un mécanisme de verrouillage qui dépasse généreusement du dos du manche et dont l'angle vient appuyer précisément dans l'articulation du pouce. Nous disserterons plus en détail sur la légitimité de cette géométrie dans le chapitre consacré à l'articulation du Vision, mais il est d'ores et déjà judicieux de souligner qu'elle a un impact négatif sur l'ergonomie du couteau.

Hotspot en approche!

Hotspot en approche!

En cuisine, lorsque le couteau est saisi par les flancs et que ses proies se laissent trancher sans opposer de grande résistance, tout va bien...

Là, rien à dire...

Là, rien à dire...

...mais pour bricoler ou tailler un bout de...

"Ouais, on sait. Il se prend pour Davy Crockett, l'explorateur de centre commercial."

...ou tailler un bout de bois, disais-je avant d'être grossièrement interrompu par mon alter-ego imaginaire, cette poignée trouve vite ses limites et la main demande grâce.

Là, j'ai quelque chose à dire: AILLEUUUU.

Là, j'ai quelque chose à dire: AILLEUUUU.

"Petite nature... Et puis, quand même, l'Ultem ça claque!"

Ok, je prends. C'est vrai que je n'ai pas des mains de bucheron. En revanche, je ne peux résister à l'envie de modérer mon enthousiasme en ce qui concerne le matériau dont sont fait les plaquettes.

Alors oui, je sais que l'Ultem est LE plastique tendance du moment. Qu'il est ultra-résistant et pratiquement indéformable, même à haute température (ce à quoi je réponds "Ah bon? Vous laissez vos couteaux de poches traîner dans le four, vous? Quelle drôle d'idée!) mais j'ai néanmoins des réserves sur le côté transparent du bazar.

Parce que ces plaquettes ont la fâcheuse tendance à piéger l'humidité contre les platines et, par effet de transparence, à laisser apparaître de vilaines tâches sombres. Qu'il s'agisse du jus des aliments, de l'eau de rinçage ou de la WD40 utilisée pour dégripper le mécanisme de verrouillage, le manche de mon Vision n'a cessé, depuis que j'ai acquis ce couteau, d'arborer cet aspect "peau de giraffe" dont je ne peux me débarrasser qu'en démontant l'ensemble et en essuyant consciencieusement chaque pièce.

Et c'est comme ça 90% du temps...

Et c'est comme ça 90% du temps...

Au final, garder ce couteau présentable est une telle corvée que j'y ai renoncé au bout de quelques cycles de lavage. De ce point de vue, et si c'était à refaire, je prendrais une déclinaison munie de plaquettes G10 opaques, histoire de cacher la misère comme sur mes autres couteaux (qui ne sont évidemment pas plus étanches mais ont la décence de rester présentables nonobstant l'humidité).

Et puis, comme on peut le voir sur l'illustration précédente, il y a quand même pas mal de matière qui déborde de tous côtés lorsque ce couteau est fermé, ce qui ne le rend pas particulièrement harmonieux dans cette position.

Une articulation attendue

"Ça y est, tu en viens au fait! Alors, c'est quoi cette histoire de Superlock?"

Effectivement, j'y arrive. Et merci d'avoir posé la question.

Depuis qu'il a été révélé au grand public, le Superlock de Snecx a fait couler beaucoup d'encre et déchaîné les passions. D'aucuns l'accusent de plagier purement et simplement le Shark Lock de l'américain Andrew Demko tandis que d'autres prétendent l'inverse. Rapidement, le sujet est devenu un prétexte pour étaler son chauvinisme de part et d'autre du pacifique. La vérité, c'est qu'en ce qui me concerne, cela n'a aucune importance.

Les deux mécanismes sont apparus à peu près au même moment dans des pays distants de milliers de kilomètres. On a déjà observé, au cours de l'histoire, de telles concurrences en termes d'innovation. Parfois, la technologie est mûre pour qu'une idée devienne possible, et plusieurs créateurs saisissent l'opportunité d'innover sans nécessairement se concerter ni se plagier. Et puis, si on veut vraiment pinailler, on peut se souvenir que, un an avant Demko et Snecx, le constructeur italien Sandrin Knives nous proposait déjà un concept furieusement similaire avec le "Recoil Lock" équipant son Torino...

Tu les vois, les similarités?

Tu les vois, les similarités?

"Mais le lock de Snecx, il est quand même vachement différent!"

Et bien oui mais non.

Évidemment, le verrou est beaucoup plus large sur le Vision, mais cela n'est dû qu'aux dimensions du couteau. Le Torino joue la carte de l'extrême finesse avec sa lame en carbure de tungstène d'1.2mm d'épaisseur tandis que le Vision affiche un 3mm beaucoup plus conventionnel, auquel il faut rajouter l'épaisseur occupée par les roulements à billes.

En outre, l'architecture de ces mécanismes est rigoureusement similaire. On pourrait évidemment souligner que le verrou du Vision original est démontable sans outil pour en faciliter l'entretien... Mais cela n'est plus le cas sur la déclinaison FG proposée par CIVIVI.

Nous parlons donc d'un mécanisme dont j'ai déjà dit le plus grand bien et au sujet duquel je maintiens ma position: ludique, ambidextre, robuste et sécuritaire, ce type de mécanisme est à mon avis l'un des meilleurs actuellement disponibles (au coude à coude avec le Crossbar lock, bien entendu).

Paré à flicker!

Paré à flicker!

"Et là, je sens venir un 'sauf que'..."

Sauf que...

"Et voilà, tellement prévisible!"

...dans le cas du Vision, je trouve plusieurs choses à y redire!

Pour commencer, la partie métallique sur laquelle on pousse pour libérer le mécanisme de verrouillage est très -trop- proéminente à mon goût. Alors oui, on est bien content que ça soit le cas lorsqu'il faut libérer la lame, parce que c'est vachement plus agréable d'avoir un bon appui pour contrer l'action d'un ressort plutôt vigoureux. Mais le reste du temps, c'est à dire lorsqu'on utilise vraiment le couteau au lieu de le faire flicker dans le canapé, cette excroissance se révèle clairement inconfortable.

De plus, et c'est à mon avis le plus gros souci que j'ai rencontré sur cet exemplaire, le mécanisme de verrouillage a tendance à "coller" une fois engagé, ce qui fait qu'il est parfois difficile de libérer la lame si cette dernière a été ouverte avec trop d'enthousiasme.

"Chochotte."

Oui, mais là non, tes interventions ne sont plus du tout constructives, interlocuteur imaginaire! Si tu veux que je te donne à nouveau la parole, il va falloir te calmer!

"Ok, c'est bon, calme toi... Parle-moi plutôt de comment il s'ouvre ton bazar."

C'est vrai, je n'ai pas encore parlé des modalités d'ouverture de ce couteau, qui propose deux options tout à fait attendues: puisque le flipper n'est pas envisageable étant donné la position du mécanisme de verrouillage, l'utilisateur peut déplier son couteau en utilisant les ergots situés de chaque côté de la lame ou par inertie/gravité une fois le mécanisme libéré.

Pour ce qui est de l'ouverture grâce aux ergots, nous sommes en présence d'une détente élastique qui tend à ramener la lame à son emplacement d'origine jusqu'à un certain angle. Le ressenti est identique à celui procuré par un verrou de type Crossbar lock. L'action est parfaitement fluide et l'ouverture se fait sans encombre, mais après avoir goûté au "déclic" du Chupacabra, pourtant équipé d'un mécanisme similaire, on en arrive presque à penser qu'il manque un petit quelque chose.

Le mouvement est fluide mais semble presque "mou".

Le mouvement est fluide mais semble presque "mou".

En outre, c'est dans cette configuration que le mécanisme de verrouillage va le plus volontiers s'engager jusqu'à devenir "collant".

Pour ce qui est de la seconde modalité d'ouverture, celle que j'ai pour habitude de pratiquer avec tous les modèles qui le permettent, rien à signaler. Les roulements à billes font le taf et le mouvement est parfaitement fluide. La lame est bien amortie par la butée d'ouverture et ne rebondit pas. Le verrouillage s'engage sans faire d'histoire et la lame est parfaitement maintenue.

Le Vision que j'ai entre les mains n'accuse aucun jeu d'aucune sorte. La lame est parfaitement centrée. Il n'y a pas à tortiller du cul pour chier droit: c'est de la bonne came.

Un port aux normes

Avec son clip de poche revenu sur le côté, le Vision FG se démarque de ses prédécesseurs en offrant une expérience beaucoup plus traditionnelle. Ambidextre et pointe en haut, il affiche la géométrie d'un port profond mais son positionnement laisse néanmoins le cul du manche dépasser du rebord de la poche

Du coup, on repassera pour le côté ninja.

Du coup, on repassera pour le côté ninja.

"Et pour les amateurs de self-defense, qui préfèrent la pointe en bas? Rien?"

En effet, rien. Je souligne néanmoins que ce couteau n'est clairement pas conçu pour l'autodéfense et que, d'une façon plus générale, ce genre de pratiques ne rentre pas du tout dans le cadre de ma passion.

Le clip s'engage jusqu'au bout sans opposer de résistance grâce à des vis fraisées et une base incrustée dans le manche. Il offre également une bonne rétention du fait d'un bel effet ressort d'une part, et de la texture du manche d'autre part. En effet, le travail de rainurage très fin réalisé sur le manche permet une excellente accroche sur le tissu sans pour autant détériorer ce dernier à la façon d'une surface délibérément abrasive.

C'est bien trouvé, c'est bien Tomy!

C'est bien trouvé, c'est bien Tomy!

"En tout cas, il doit être vachement léger avec tous ces trous."

Pas vraiment, hélas. Malgré une structure largement ajourée, le Vision accuse un bon 115g sur la balance. La faute à une lame aux dimensions généreuses et à un verrou qui ne rechigne pas sur la matière. Il en résulte un couteau que l'on sent bien sur le rebord de la poche. Cela étant dit, ses formes neutres et son profil plutôt allongé, une fois la lame repliée...

Ça ne respire pas l'agression potentielle mais, comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas non plus le top de l'harmonie visuelle.

Ça ne respire pas l'agression potentielle mais, comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas non plus le top de l'harmonie visuelle.

...n'encombrent pas trop la poche et laissent un bel accès aux clefs de voiture.

Dans l'ensemble, il s'agit donc d'un compagnon plutôt agréable, mais qui ne se laisse pas oublier pour autant.

Pour ce qui concerne le facteur d'acceptabilité sociale, sa lame importante et plutôt pointue, tout autant que l'aspect "tactchik" de l'enduit noir porté par mon modèle, s'associent à une modalité d'ouverture plutôt vive pour contribuer au caractère finalement agressif d'un couteau pourtant conçu pour la cuisine.

Les connaisseurs seront ravis de jouer avec le Superlock et d'apprécier les qualités techniques de cet outil, les profanes, quant à eux, risquent d'être plus échaudés si l'on s'amuse à le faire "flicker" sous leurs yeux.

Un rapport qualité/prix chinois

"Genre... Une chinoiserie?"

Du tout! Quand je dis "chinois", je parle dans le bon sens du terme. Celui qui a manqué de foutre par terre le marché US et redéfini les règles du jeu en matière de coutellerie industrielle.

Proposé, dans sa déclinaison "black/Ultem" pour un petit peu moins de 100€ (95€ chez un honnête marchand), le Vision FG met un design original et séduisant à la portée d'un large nombre d'amateurs. Parfaitement fonctionnel au quotidien pour les tâches culinaires auxquelles il est destiné, il s'acquitte tout aussi bien d'un large spectre de travaux mondains.

Au rang des finitions, il n'y a pas grand chose à reprocher au constructeur chinois, qui propose une pièce au mouvement fluide, exempt de jeu, au montage parfaitement ajusté et à l'affutage impeccable dès l'ouverture de la boite. Ma seule réserve concerne le côté parfois "collant" du Superlock, qui se trouve toutefois largement minimisé par une goutte de lubrifiant judicieusement placée.

"N'empêche, t'as critiqué par mal de choses dans cet article: la forme de la lame, l'inconfort du manche, etc."

Tout à fait! Mais ces reproches sont imputables au design lui-même et non à sa réalisation par le constructeur. Je m'efforce dans cette section de faire la différence entre le cahier des charges et le soin apporté à la production. Or, en la matière, je vois difficilement comment CIVIVI aurait pu proposer un travail plus soigné au regard du tarif affiché.

Au bilan, le Vision FG est pour moi une excellente opportunité de mettre la main sur un design qui sort de l'ordinaire. Si les 350€ d'un Vision R constituent un frein légitime pour tout curieux désireux de mettre la main sur un couteau équipé d'un Superlock, cette alternative à moins de 100€ a en revanche tous les arguments pour séduire.

Une conclusion raisonnée

"Alors moi, j'ai lu sur pleins de sites que le Vision est le meilleur couteau de poche de l'année."

C'est vrai. C'est ce qu'on peut lire et entendre un peu partout sur la toile. A titre personnel, j'attribue une partie de cet engouement à la popularité montante du designer malaysien. Car de mon point de vue, assez détaché des tendances en vogue sur les réseaux sociaux je dois l'admettre, ce couteau possède d'excellentes qualités pour séduire mais aussi une poignée de détails qui nuisent à mon plaisir.

Le Vision est certainement l'un de mes coups de cœur de l'année, mais il n'est pas pour autant en mesure de détrôner mes vrais chouchous. C'est un outil pratique et intéressant, je pense régulièrement à lui lorsqu'il est l'heure de me mettre à la popote. Pour autant, le matin, lorsqu'il faut choisir l'outil avec lequel je vais devoir affronter mon quotidien, je lui préfère en général un modèle plus polyvalent, plus léger et/ou plus agréable à serrer au creux de la main.

Cela ne lui retire aucun mérite et je trouve de bon ton de saluer l'excellent travail réalisé par le coutelier asiatique, ainsi que l'industriel chinois chargé de sa production.

Sur ce, je vais te laisser quitter ma tête, impertinent interlocuteur, car j'imagine que tu as d'autres chats à fouetter.

"Bon ben salut, à la prochaine."

C'est ça, à la... enfin peut-être pas.

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