Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs
Il est aisé de se laisser impressionner par la richesse de la nomenclature coutelière. Moi-même, dans mes articles, il m'arrive d'ailleurs de me laisser aller à quelques simplifications destinées à ne pas submerger le lecteur de termes techniques. Peu d'entre eux se soucient en effet de la différence entre un cran plat, un cran forcé et un cran carré.
Cette richesse permet néanmoins de nommer avec précision les éléments constitutifs d'un couteau et donc d'en offrir une description précise: pointe, dos, flanc, émouture, fil, entablure, ricasso, onglet... autant de termes grâces auxquels on peut causer d'une lame sans devoir se laisser aller à de laborieuses explications. Il en va de même pour le manche, avec son pommeau, sa garde, ses mitres, ses plaquettes, ses rivets ou ses vis d'assemblage, son dos et son ventre.
Mais il est un élément constitutif d'un couteau qui a longtemps échappé à mon vocabulaire: il s'agit de ses côtés respectifs. Un couteau est en effet généralement constitué de deux côtés vaguement symétriques, si l'on fait abstraction de son mécanisme d'ouverture et/ou de verrouillage, de la même façon qu'un navire possède deux bords (tribord et bâbord, pour ceusses ou celles qui se posent la question).
Or, j'ai longtemps été dans l'incapacité de trouver un terme qui puisse désigner sans la moindre ambiguïté possible l'un de ces côtés en particulier. Par analogie avec le bateau justement, j'ai longtemps été tenté d'utiliser les termes "tribord" et "bâbord", mais cela implique d'une part que mon interlocuteur comprenne ces termes, et d'autre part que nous soyons implicitement d'accord sur ce qui constitue "la proue", "la poupe", "le pont" et "la coque" d'un couteau.
Puis, au cours de mes pérégrinations coutelières, j'ai rencontré le terme "côté exposition" qui désigne généralement le côté visible lorsque la pointe du couteau est à gauche, son pommeau à droite et son dos vers le haut. Le terme "exposition" vient du fait que c'est le côté que l'on présente de façon préférentielle dans une vitrine, afin de masquer les éventuels mécanismes disgracieux constitutifs du couteau (frame lock apparent, clip de poche...).
Mais ce terme souffre de deux limitations:
Ce n'est qu'en posant la question à des connaisseurs que j'ai découvert l'existence de termes "officiellement" consacrés, tout du moins au sein de la communauté des couteliers thiernois. Il s'agit des côtés "droit" et "gauche", mais pas nécessairement au sens où on l'entend.
Le côté droit est le côté visible lorsque l'on tient le couteau dans la main droite (dextre) et que l'on déplie les doigts...
...tandis que le côté gauche est le côté visible lorsque l'on tient le couteau dans l'autre main (sinistre).
Cette définition peut en confondre plus d'un car, si l'on tient le couteau devant soi, pommeau vers le corps et pointe vers l'avant, le côté droit se trouve techniquement sur la gauche, et vice-versa.
Néanmoins, c'est de cette manière que ce qui s'apparente le plus à une autorité de nomenclature coutelière en France a décidé de nommer les deux faces de mon outil préféré.
À ce titre, je me plie à cette définition avec un plaisir non dissimulé car, en plus de me fournir un cadre "officiel" pour rédiger mes articles, elle me permet de bien faire chier mes lecteurs qui, décidément, y perdent leur latin!