13 Mai 2023
Il n'y a pas que le neuf dans la vie: on peut aussi passer du temps à l'atelier pour donner une seconde vie aux objets, a fortiori s'ils sont chargés d'histoire familiale.
Installé en maison de retraite depuis quelques années, mon grand-père a décidé de mettre à la disposition de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants (ce qui représente quand même plus d'une cinquantaine de candidats!) le contenu de la maison qu'il n'occupe plus. Tout en restant à l'écart des intrigues familiales inhérentes à la distribution des biens de valeur, j'ai choisi de briguer des objets anodins mais chargés de sens et/ou en lien avec ma passion coutelière.
Et si je n'ai pas pu mettre la main sur l'un des pourtant nombreux ensembles à gigot (tous emportés par la même personne, qui manifestement a beaucoup de gigots à découper...), j'ai pu récupérer un amusant petit porte clef que personne n'avait vu lors de l'inventaire...
...ainsi que diverses bricoles en plus ou moins bon état: étau, bassines en cuivre, ciseaux, outils de jardin divers et variés à caractère tranchant.
Et quand je dis "en plus ou moins bon état", je m'efforce d'être optimiste. Car le papi en question n'était pas du genre à traiter ses outils comme des bijoux de poche. En témoigne l'état d'oxydation avancé des susdits outils de jardin, stockés dans une "remise" exposée aux caprices météorologiques bretons.
Au sein de ce butin, il y avait une hache au fer de type "Maine" dans un fort triste état.
Faute d'avoir servi depuis de nombreuses décennies et n'ayant probablement jamais été entretenue avant cela (son tranchant était largement entamé sur la partie supérieure et parfaitement arrondi sur 5 bons millimètres d'épaisseur, en plus de l'épaisse couche de rouille qui recouvrait tout le fer), elle était objectivement hors d'usage.
Qu'à cela ne tienne! Mes compétences en "stock removal" devraient me permettre de faire réapparaître une surface présentable et de reconstituer un tranchant digne de ce nom... Et tout ça à la main, pour respecter la tradition des chevaliers du temps jadis (et aussi un peu... beaucoup parce que je ne veux pas saloper mon backstand)!
C'est donc parti au papier abrasif 80 jusqu'à faire apparaître de l'acier, puis 120, 180, 240, 400 pour faire briller tant bien que mal une surface hélas largement piquée par la corrosion et manifestement assez tendre.
Une fois l'état général de l'engin plus... lisible, je constate un voile significatif du tranchant sur la partie où il est le plus abimé. Je redresse ce dernier en coinçant la lame dans un étau et en tirant sur le manche, puis à légers coups de massette. Le métal s'avère plutôt souple et l'opération ne pose pas de problème majeur.
Pour les finitions, je me décide finalement à passer au back pour nettoyer tout ça aux bandes Scotch-Brite (la gomme magique!!!) et former un tranchant convexe digne de ce nom.
Le travail terminé, c'est l'heure de contempler le résultat.
Alors cette hache ne fera sans doute pas rêver les bushcrafteux, elle n'est pas de marque et probablement pas de bonne qualité. Elle pèse un âne mort (aussi lourd que mon merlin X27 Fiskars) et la facilité avec laquelle j'ai corrigé le voile du tranchant laisse présager de futures déformations indésirables...
Mais c'est la hache à mon papi, un petit morceau d'histoire familiale, elle méritait mieux qu'un aller simple à la déchetterie. Sa place est désormais dans mon atelier, à côté de ma collections de haches industrielles sans âme.
Prochaine victime de ma fièvre rénovatrice: une faux qui n'a pas beaucoup plus fière allure...