9 Juin 2023
Cela faisait quelques temps que j'avais envie d'une version "de table" du dessin réalisé pour mon premier couteau maison. Quelque chose de plus fin (qui a dit "moins balourd"?) et que je serais fier de poser sur la table d'un restaurant chic, tout en conservant ces lignes qui me sont chères: une pointe tombante, un fil bas, une empreinte marquée pour l'index et un manche qui fait le dos rond.
J'avais déjà quelques idées en tête, mais tout un tas de bonnes excuses pour ne pas m'y mettre.
Ce n'est qu'au début du mois de mai que, au hasard d'une visite sur le forum que je fréquente quotidiennement, je découvrais la technique d'émouture particulièrement ingénieuse partagée par un internaute: celui-ci forme en effet l'émouture avant de découper le profil de sa lame, dans le but de s'éviter tous les problèmes liés à l'amincissement de la pointe.
"La vache, c'est juste super ingénieux ça! Il faut absolument que j'essaie."
Et c'est ainsi que je me retrouvais à nouveau devant mon cahier à dessin, pour préparer ce projet qui n'attendait que depuis trop longtemps. Deux mines de critérium et trois gommes plus tard, mon esquisse était prête.
Pour tester la technique découverte sur l'Internet, j'inclus dans cette esquisse le rectangle de métal à émoudre de façon homogène, et dans lequel je découperai ensuite ma silhouette finale.
Après avoir chopé un bout de MA5 qui traînait par là, je trace non pas un mais DEUX ébauches. A ce stade, je pense encore que j'aurai le courage d'en faire une paire pour les diners en amoureux...
Mais plutôt que de travailler (et de commettre mes erreurs habituelles) sur les deux modèles en parallèle, je n'en découpe qu'un "le temps de voir ce que ça donne".
Comme prévu, je fais mon émouture sur le rectangle de métal brut. C'est simple, rapide et je ne rencontre pas les soucis habituels lorsque j'arrive sur l'extrémité de la lame (rotation des épaules, mangeage de la pointe...).
Mon émouture est régulière et symétrique. Je suis content.
Il ne reste plus qu'à nettoyer tout ça, tracer la silhouette finale et procéder à la découpe.
Aucun problème particulier ne vient perturber mes progrès. Je suis content.
La base de l'émouture doit être nettoyée car elle présente une irrégularité. Je me mets ça sous le coude pour après la trempe car l'acier est encore tendre et le backstand le bouffe trop vite pour les travaux de précision.
Côté ergonomie par contre, c'est vraiment pas terrible. Trop fin, pas assez de matière pour s'y accrocher. Je décide d'y ajouter des plaquettes, et tant qu'à faire en mode "letterbox" et avec des rivets aveugles, parce que sinon ça serait trop simple.
Le manche percé, je lance ma fournée.
En parallèle, je découpe des plaquettes très étroites dans les restes du bloc de morado en bois debout que j'avais débité pour mon mini sangoku (attention, jeu de mots!!!).
Le bois est trop fin: les plaquettes cassent. Qu'à cela ne tienne, il me reste des chutes d'ébène issues de la même aventure. Juste assez pour en faire deux.... Mais l'une d'entre elles casse. Obstiné à ne pas me faire ch... la b.... à débiter de nouvelles plaquettes, je chope une lamelle d'olivier qui traine sur le plan de travail.
"Hey, c'est sympa comme ça aussi, en bicolore!"
Oui, je me parle beaucoup à moi-même quand je bricole. Il faut dire que c'est l'un des seuls moments de la journée où je peux en placer une.
L'acier dument trempé, je dispose le tout sur la table pour me faire une idée du futur résultat.
Après avoir nettoyé et tenté pendant plusieurs jours de donner à ma lame une finition miroir, je change mon fusil d'épaule et jette mon dévolu sur un satiné tiré de long.
Je perce les plaquettes... ...et merde, je fais des trous traversants... Bon, c'est pas grave: mes rivets seront affleurants.
Je tente un premier assemblage. Tout n'est pas parfaitement calé pour passer au collage. Je démonte les plaquettes pour procéder à quelques ajustements et je casse celle en ébène dans l'opération.
PUT...
On se calme. Je refais une plaquette en ébène et tant qu'à faire aussi une en olivier avec des trous qui ne sont pas traversants cette fois.
J'encolle, je serre les fesses et le serre-joint.
Et on vire l'époxy qui déborde au coton tige, parce qu'il n'y aura plus moyen de nettoyer tout ça une fois l'assemblage finalisé.
Quelques heures plus tard, grâce à ma lampe à UV artisanale (une boule d'hélium de 1.4 millions de kms de diamètre, je vous filerai la recette un jour), je peux prendre en main le proto-résultat.
Il ne reste plus qu'à affûter tout ça. Je dégrossis le fil au backstand avant de placer ma création dans mon tout nouveau "worksharp precision adjust professionnal" (j'aime cette concision à l'américaine) réglé sur 19°
Et une fois ma création en mesure de m'épiler les poils des fesses d'un seul regard, il ne me reste plus qu'à lui faire... un étui.
La corvée!
Enfin, puis que c'est pour la bonne cause, je m'équipe de mon mini-kiridashi-tout-mimi pour découper vite fait un tacos dans du cuir de 1mm avant de coudre le bazar sur un martyr
Son habit de cuir enfin chaussé, ma création est prête pour la séance photo.
Voilà, un couteau inutile de plus dans ma collection.