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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

CPM MagnaCut

Le MagnaCut (mal) satiné du Kernico KN1.

Le MagnaCut (mal) satiné du Kernico KN1.

Catégorie

Les premiums

Première apparition

2021

Composition
Carbone 1.15%
Chrome 10.7%
Molybdène 2%
Vanadium 4%
Niobium 2%
Azote 0.2%
Manganèse 0.5%
Silicium 0.4%
Micrographe
Le CPM MagnaCut sous le microscope de son créateur

Le CPM MagnaCut sous le microscope de son créateur

Le micrographe ci-dessus provient du blog de Larrin Thomas: Knife Steel Nerds

Propriétés
Dureté usuelle 61 HRC
Résilience(1) 4/5
Mordant du fil(2) 5/5
Tenue du tranchant(1) 3.5/5
Facilité d'affûtage(2) 3/5
Résistance à la corrosion(1) 5/5

(1) D'après les mesures expérimentales de Knife Steel Nerds

(2) D'après mon expérience empirique, étant donné les géométries de lame à ma disposition

Présentation

Le mieux pour comprendre l'histoire de cet alliage est encore de lire la page de son créateur.

Pour les non-anglophones, ou ceux qui ont la flemme, cet alliage est le fruit d'une passion pour la métallurgie en général, et celle des aciers de coutellerie en particulier. Larrin Thomas est ce qu'on pourrait appeler un "semi-amateur" dans ce domaine car, bien que travaillant dans la métallurgie pour le secteur automobile, il ne s'était jusqu'alors intéressé aux acier martensitiques utilisés pour les couteaux qu'à des fins purement éducatives.

Depuis des années, il compile sur son blog toutes les données expérimentales qu'il rassemble lui même avec du matériel spécialisé, dans le but de démystifier les alliages que l'on peut trouver sur nos lames et de leur fournir des points de comparaison objectifs.

Son expérience cumulée et ses connaissances théoriques du domaine lui permettent de publier en 2020 un ouvrage sur le sujet intitulé "Knife Engineering: Steel, Heat Treating, and Geometry" (Concevoir un couteau: acier, traitement thermique et géométrie). Grâce à sa rigueur et ses connaissances, le scientifique incarne depuis quelques années le rôle d'une véritable figure d'autorité au sein de la communauté coutelière US et internationale.

A force d'expérimenter et de comparer les alliages, Larrin fait un constat: donner des propriétés inoxydables à un acier semble se traduire irrémédiablement par un compromis sur sa résilience. Les coupables sont les carbures qui se forment à la faveur d'une affinité entre le carbone et le chrome et dont la fragilité comme la taille permettent de préparer le terrain à une rupture potentielle.

Or, le chrome est nécessaire pour rendre un acier inoxydable, mais dissous dans la matrice de fer et non sous forme de carbures. Pour remédier à ce problème, la métallurgie moderne exploite de plus en plus l'azote comme substitut au carbone, mais ce composant ne permet pas d'atteindre les mêmes duretés lors de la trempe (et donc des tranchants aussi durables).

A l'aide de son logiciel de simulation, le chimiste cherche un juste équilibre entre les quantités de carbone, de chrome et des autres composants susceptibles de former des carbures, et qui permettrait d'empêcher le chrome de s'associer au carbone au profit d'autres composés plus désirables (vanadium et niobium). Après de nombreuses nuits blanches, Larrin met le doigt sur une zone inexplorée, et qui semble répondre à toutes ses attentes! Du moins, en théorie.

Sur le papier, son alliage est aussi résilient que les aciers hautement alliés type CPM-4V ou CPM-CruWear, mais doté de propriétés inoxydables. Extatique mais pragmatique, il sait désormais que sa création doit passer l'épreuve de la réalité.

Fort de sa notoriété auprès des acteurs du secteur coutelier et aidé par quelques précieux contacts, le docteur Thomas se présente aux portes de Crucible Industries "au culot" pour leur proposer sa recette et réussit l'exploit de les convaincre de tenter l'expérience. Crucible joue gros sur ce coup car après avoir dissous son unité de R&D à la suite de grosses difficultés financières au début des années 2010, l'entreprise ne dispose plus du matériel nécessaire pour produire des échantillons de volume raisonnable. C'est donc une cuve entière de plusieurs quintaux qui va être coulée, un sacré gaspillage si son concepteur a commis la moindre erreur.

Après des mois d'attente, l'acier recuit arrive enfin chez les premiers couteliers qui, contactés par Crucible, ont accepté de le tester. Les retours sont au delà des attentes du créateur et de l'industriel. L'alliage présente un équilibre de ses propriétés mécanique proche de celui des meilleurs aciers connus, tout en étant très résistant, voir même pratiquement insensible, à la corrosion.

Pour nommer sa création, Larrin Thomas choisit "MagnaCut", afin d'illustrer clairement sa destination coutelière d'une part (cut = couper en anglais) et ses qualités d'une autre (magna = grand/superbe en latin).

Pour ce qui est de mon expérience personnelle avec cet acier, elle est également positive. Après avoir choisi cet alliage pour réaliser maladroitement ma première lame (parce que, tant qu'à faire, pourquoi ne pas prendre le risque de gâcher un acier onéreux plutôt qu'un bon marché?), j'ai pu constater que l'affûtage de la pièce obtenue ne m'avait pas posé le moindre problème avec des pierres conventionnelles. Or il ne s'agissait pas d'entretenir un fil émoussé mais bien de former un apex à l'extrémité d'une émouture de quelques 0.6mm d'épaisseur. En outre, grâce aux bandes de polissage de mon Edge Pro Apex, j'ai pu constater que le tranchant obtenu était d'un mordant particulièrement incisif.

Abstraction faite de la géométrie approximative de mon émouture, cet alliage me procure pour l'instant une pleine satisfaction.

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