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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

Böker Plus "FR": la déception

Böker Plus "FR": la déception
Une autre, une autre

Rebonjour cher lecteur... Et c'est reparti pour une critique!

Aujourd'hui, comme le suggère le titre de cet article, nous n'allons pas faire l'éloge complètement partiale d'une soit-disant "pépite" qui n'a en réalité pour seul atout sans son manche (oh oh, elle est bonne celle là!) que de m'avoir coûté un bras.

Parce que, OUI, c'est une sacré qualité pour un couteau de coûter très cher! C'est la garantie que le pigeon (moi) qui a claqué son PEL pour l'acquérir n'admettra jamais publiquement qu'il vient de s'acheter une lame de merde, même si c'est le cas.

Bref, tout ça pour dire que ça n'est pas le sujet du jour.

Au lieu de cela, nous allons nous intéresser à un modèle au tarif presque raisonnable et qui ne manque pas de qualités... mais qui, à de nombreux égards, échoue à satisfaire les attentes que j'avais nourries à son sujet. Alors évidemment ce n'est pas un ratage total, du genre qui mérite de finir dans la (trop fournie) galerie des horreurs qui orne les murs de mon salon, mais ça reste une contrariété suffisamment grande pour justifier le besoin de déverser publiquement ma bile, à défaut d'admettre que je le fais par pur plaisir.

Présentation générale

Le sujet du jour nous vient tout droit d'Allemagne, et plus précisément de la région "Allemagne de l'Asie de l'est" puisqu'il nous est proposé par la marque "Böker Plus", du géant allemand Böker que je ne te fais pas l'affront de te présenter à nouveau.

En tant que marque "milieu de gamme" du groupe, elle propose des modèles conçus en occident et réalisés par les sous-traitants chinois de l'industriel germanique. En l'occurrence, c'est au crayon de Brad Zinker, un designer et coutelier américain basé en Floride et membre de l'honorable "American Knife Makers Guild" que nous devons la paternité du "FR".

Brad Zinker, qui n'en est pas à sa première collaboration avec Böker puisque, dès 2014, l'un de ses designs artisanaux était déjà industrialisé par le fabricant: le Urban Trapper, proposé dès l'année de sa sortie en pas moins de quatre déclinaisons:

Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone
Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone
Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone
Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone

Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone

Ce modèle rencontre un succès retentissant et influencera pour la décennie à venir le genre "couteau de gentleman" alors en pleine émergence et dont il est l'un des premiers représentants à grande échelle. Le fait que l'Urban Trapper soit non seulement, 9 ans plus tard, toujours au catalogue du fabricant (qui est plutôt du genre à renouveler ses collections au rythme du prêt-à-porter), mais qu'il reçoive également de nouvelles déclinaisons (allongé, raccourci, matériaux exclusifs...) à intervalles réguliers en dit long sur la rentabilité de ce design. 

Mais alors que Böker empoche les billets et que M. Zinker remplit son carnet de commandes grâce aux nombreux clients qui souhaitent une version artisanale de son best-seller, la demande se fait de plus en plus pressante de dessiner une version plus trapue, plus "virile" de l'Urban Trapper... Parce que les gentleman, en 2015, ils portent désormais tous une barbe à la Chabal et des tatouages pleins les bras!

C'est alors que le designer imagine le "FR" (dont le nom n'a vraisemblablement rien à voir avec l'hexagone, même si ce dernier est frappé comme le reste du monde par la prolifération invasive des échoppes de barbiers-tatoueurs), une version déformée de l'Urban Trapper qui se résume selon toute vraisemblance à un simple filtre photoshop d'étirement vertical.

Nous sommes en 2016, Böker paye les royalties dues à l'américain et sort sa nouvelle collection à grand renfort de pas moins de quatre déclinaisons:

Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone... COMME PAR HASARD!!!
Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone... COMME PAR HASARD!!!
Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone... COMME PAR HASARD!!!
Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone... COMME PAR HASARD!!!

Dans l'ordre: titane, cocobolo, G10 et fibre de carbone... COMME PAR HASARD!!!

Or, avec les années de recul, on ne manquera pas de constater que, d'une part, le "FR" n'a depuis reçu aucune mise à jour. Et que, d'autre part, il a été retiré assez rapidement du catalogue allemand à la suite de ce qu'on pourrait logiquement imaginer être un flop commercial.

"Mais alors pourquoidonc une telle différence de réception de la part du public? Les deux modèles se ressemblent pourtant vachement!" te demandes-tu avec toute ta légitimité de lecteur averti. C'est ce que nous allons voir dès à présent.

Une lame décevante

Sans être un ratage complet, la lame du FR souffre de mauvais choix géométriques que l'on pourrait imputer à de la paresse pure et simple lors du processus de sa création.

Et pourtant, ils n'ont pas paressé sur le satiné...

Et pourtant, ils n'ont pas paressé sur le satiné...

Caractéristiques techniques
Longueur 72mm
Longueur de coupe 67mm
Hauteur 24mm
Épaisseur 2.5mm
Épaisseur derrière le fil 0.5mm
Angle d'émouture primaire 3.01°
Type d'émouture primaire Creuse
Matériau VG10
Dureté* 60 HRC

(* données constructeur)

Pourtant, les choses se présentaient plutôt bien: ses lignes sans fioritures sont harmonieuses et dotées d'une belle dynamique. On retrouve indéniablement l'influence des traits qui ont fait le succès de son prédécesseur.

Hélas le processus d'étirement vertical des traits de son ainé forme un arrondi que je trouve légèrement balourd à l'avant de la lame et crée un angle dramatiquement obtus au niveau de la pointe.

On termine presque à angle droit!

On termine presque à angle droit!

Si ce choix de design se limitait à un inconfort purement esthétique, les choses en seraient restées là mais, hélas, les qualités pratiques du couteau souffrent aussi grandement de cette prise de décision.

Pour commencer, on oublie toute possibilité de pratiquer le moindre petit trou, même pour dépanner: en plus d'une pointe trop obtuse pour pénétrer efficacement (et proprement) dans le carton ou le bois tendre, cette même pointe ne peut de toutes façons fonctionner qu'à condition de placer le manche au delà de la verticale, c'est à dire en dévers par rapport à la surface à travailler.

"I have a bad feeling about this..." H. Solo

"I have a bad feeling about this..." H. Solo

Dans cette position, tout pression sur la pointe se traduit inévitablement par un effort sur l'axe de charnière visant à refermer la lame. Un effort que, à moins d'avoir des doigts en trop, j'ai personnellement tendance à éviter, même avec un mécanisme de verrouillage théoriquement infaillible (ce qui est -en l'occurrence- loin d'être le cas du Liner Lock du FR comme nous ne manquerons pas de le voir...).

Mais sans aller jusqu'à vouloir percer quelque chose, une simple coupe "cutter" (pour détourer une silhouette sur un morceau de carton plume ou de cuir fin, par exemple) exige de placer le manche à presque 90° du plan de travail, position dans laquelle on manque complètement de maîtrise et donc de précision.

Ça ne fonctionne juste pas.

Ça ne fonctionne juste pas.

Quant aux scénarios de coupe mondains/gentleman auxquels ce modèle se destine manifestement, c'est à dire la boustifaille, il ne s'en sort guère mieux.

Dans l'assiette, son arrondi protubérant encaisse 99% des contacts avec la céramique et s'émousse à toute allure tandis que l'on peine à exploiter la base du fil maintenue en retrait non pas par son flipper (plutôt discret pour le coup) mais par la courbure du manche qui fait plonger le couteau vers l'avant faute d'avoir des doigts capables de traverser la table.

Et encore, je suis sympa: là l'assiette est en bois.

Et encore, je suis sympa: là l'assiette est en bois.

Avec un tel angle d'attaque, un couteau ordinaire ne pourrait couper qu'en tirant la lame vers soi après avoir immobilisé sa proie d'un coup de fourchette... Mais le FR n'est pas un couteau ordinaire! Car même relevé à 30°, l'arrondi de son tranchant et l'angle de sa pointe sont tels que, une fois posé sur son ventre, il progresse tout aussi bien vers l'avant que vers l'arrière.

On se retrouve donc, pour compenser la piètre longueur de coupe rendue disponible par l'ensemble de ces contraintes, à multiplier les mouvements de va et vient de sorte que l'on passe la moitié du temps à "pousser" son couteau dans la bouffe d'une façon pas particulièrement naturelle ni agréable.

Ceci est une reconstitution. Aucune éponge n'a été blessée lors de l'écriture de cet article.

Ceci est une reconstitution. Aucune éponge n'a été blessée lors de l'écriture de cet article.

Idem pour l'ouverture des colis de Jezz Bezos dans lesquels le gentilhomme moderne ne manquera pas de se faire livrer ses accessoires de rasage et ses crème hydratantes: avec sa pointe fuyante, le FR ne peut venir à bout de la bande adhésive qu'à condition d'enfoncer profondément sa lame entre les panneaux du carton, au risque d'en détériorer le contenu.

Il ne reste donc, pour justifier de glisser le FR dans la poche de son pantalon slim acheté neuf et pourtant plein de trous, que le bon vieil épluchage de pomme (excuse dont 99% des amateurs de couteaux se servent pour justifier le port de leur jouet, même s'ils ne mangent pas de fruits). Un exercice dont cette lame se sort cette fois à merveille grâce à une épaisseur contenue et une émouture remarquablement aigue et fine en plus d'être subtilement concave.

Lors des coupes "à main levée" (épluchage, petite ficelle... c'est tout, je ne vois rien d'autre) où l'on peut exploiter la base de sa lame, on a donc le plaisir de profiter d'un outil qui tranche avec efficacité et pénètre sans difficulté dans la plupart des obstacles placés sur sa route. Des qualités renforcées par un alliage qualitatif à défaut d'être révolutionnaire et qui offre un bon équilibre de propriétés.

Ce même alliage permet, en l'occurrence, un affûtage plutôt aisé (en comparaison des aciers inusables à la mode) que facilite également la finesse de l'émouture. Seule problème lors de cette opération: négocier correctement l'arrondi en bout de lame et l'angle inhabituel du fil à l'approche de la pointe.

Du côté des coquetteries, on ne manquera pas de remarquer une finition soignée: la lame offre au regard un joli satiné tiré de long et son dos est élégamment arrondi/poli. Le marquage n'en est pas moins omniprésent avec, côté droit, le logo du fabricant et côté gauche la nuance d'acier utilisée ainsi que le logo du designer.

Ça, c'est fait...
Ça, c'est fait...

Ça, c'est fait...

Enfin, une observation attentive permet de découvrir, tout à la base du dos de la lame, le numéro de série du modèle placé de façon à la fois originale et discrète.

Et donc, je suis le 212è pigeon à m'être fait avoir.

Et donc, je suis le 212è pigeon à m'être fait avoir.

C'est à peu près tout ce que j'ai à dire sur cette lame.

Un manche qui déçoit

A l'instar de sa lame, le manche du FR cumule les erreurs qui gâchent un concept pourtant plutôt sympathique.

Parce que bon, déjà, il est loin d'être vilain.

Parce que bon, déjà, il est loin d'être vilain.

Caractéristiques techniques
Longueur 92mm
Hauteur 20mm
Épaisseur 12mm
Platines Titane
Plaquettes G10

Pour commencer, on ne peut qu'être agréablement surpris par le choix du titane pour les platines de l'ensemble des variantes proposées au catalogue, et pas seulement celle intitulée "titane" qui ne se distingue par conséquent de ses collègues que par l'absence de plaquettes et l'épaississement de ses platines qui deviennent de fait un châssis (troquant au passage le Liner Lock de ses congénères contre un Frame Lock en bonne et due forme) - le tout ajouré dans le but de donner une identité visuelle propre à ce modèle.

Nous ne sommes donc pas en face d'une version "au rabais" côté matériaux pour les autres variantes, mais d'une approche différente autant structurellement qu'esthétiquement.

Pour ce qui concerne ses dimensions: malgré à peine 9cm de manche, le FR offre juste assez de longueur pour poser tous ses doigts, à condition de ne pas trop s'étaler. Cet exploit est rendu possible par l'absence de toute fioriture susceptible de réduire l'espace exploitable.

Ça passe tout juste, mais ça passe.

Ça passe tout juste, mais ça passe.

De plus, sa forme parfaitement neutre ne contraint d'aucune façon la position des doigts et laisse donc à l'utilisateur toute liberté d'adopter la prise qui lui convient. Et si ce manche manque un peu de "gras" pour remplir la paume de la main, il se cale plutôt bien entre les phalanges.

En revanche, ce que j'apprécie un peu moins du point de vue purement ergonomique, ce sont les bords des platines qui dépassent des plaquettes. Si le rendu visuel est moderne et plutôt réussi, le fait que les arêtes de ces plaques de titane n'aient été adoucies d'aucune manière nuit au confort de mes doigts délicats. Je sais que ce couteau n'est définitivement pas fait pour être essoré à pleine mains mais, même dans des conditions normales d'utilisation, cette spécificité rend le manche d'autant plus agressif que les plaquettes aussi exposent leurs propres arêtes vives pour un double effet kiss-kool.

Principale victime de ce parti-pris: l'index, que la combinaison d'une découpe destinée à libérer l'accès au liner et des dimensions réduites du manche condamne à reposer à cheval entre les arêtes du ressort et la base du flipper, toute aussi inconfortable.

Assez rapidement, on remande grâce.

Assez rapidement, on remande grâce.

Rapidement, on arrive à la conclusion que ce couteau n'a pas été conçu comme un outil mais plutôt comme un accessoire de mode destiné à rehausser le look de vrai-faux mauvais garçon du gentilhomme moderne. En effet, du côté des coquetteries, le fabricant s'est donné du mal: lignes harmonieuses, platines apparentes, plaquettes bombées à la texture évoquant certaines fibres synthétiques, vis de charnières masquées, structure ouverte sur une unique entretoise... Chaque détail a manifestement été pensé pour produire une pièce visuellement élégante, aérée, équilibrée et légère, que le couteau soit aussi bien ouvert que fermé.

Et ça marche.

Je ne peux pas dire le contraire, c'est plutôt agréable à mater.

Je ne peux pas dire le contraire, c'est plutôt agréable à mater.

Mon principal regret est que ces attentions aient été portées au détriment des aspects pratiques. Outre la question ergonomique que j'ai déjà abordée, un choix a priori aussi insignifiant que le fait de masquer la vis de charnière sous les platines implique par exemple le démontage obligatoire de ces dernières pour une opération aussi anodine que le réglage du centrage de la lame et du jeu de l'articulation.

Sérieux?

Une articulation disqualifiante

Pour ce couteau de gentilhomme, Böker et Brad Zinker nous sortent le grand jeu avec rien de moins qu'un flipper sur roulements à billes, dont la butée d'arrêt en ouverture/fermeture est masquée à l'intérieur de la charnière, ce qui permet de libérer l'espace inter-platines de tout artifice.

Une entretoise, une lame, et puis c'est tout.

Une entretoise, une lame, et puis c'est tout.

Cette conception épurée est esthétiquement séduisante, et je n'ai pas pu m'empêcher, à l'époque où je découvrais les différentes architectures de charnières et de verrouillages, de démonter le couteau pour en inspecter les détails...

...et soudain, horreur! Sur un couteau acquis quelques mois plus tôt et qui avait à pourtant passé le plus clair de son temps dans sa boîte à côté du sachet anti-humidité, je découvrais d'importantes traces de corrosion partout à l'intérieur de la charnière et vraisemblablement dues à une bille de rétention parfaitement oxydable (et qui ne s'est pas privée de le faire). Une bille franchement rouillée, qui a dessiné sur le flanc de la lame une marque circulaire contaminant à son tour l'acier environnant et une partie du roulement: pas glop.

Après un nettoyage en bonne et due forme, la charnière avait retrouvé un aspect normal. Mais je nourris depuis à l'égard de ce couteau (théoriquement plutôt résistant à la corrosion avec ses platines en titane et sa lame "inox") une paranoïa face à l'oxydation qui pollue notre relation de couple: plus jamais je ne pourrai lui faire confiance comme au premier jour.

Aujourd'hui encore, cette mésaventure a laissé des traces :'(

Aujourd'hui encore, cette mésaventure a laissé des traces :'(

Mais en plus de l'insatisfaction liée à cet aspect purement statique de l'articulation, on ne peut que déplorer également ses qualités dynamiques, ou plus précisément l'absence des susdites qualités...

Le flipper fonctionne, ça n'est pas la question. Mais quelle que soit la pression exercée sur le tenon, la lame se déplie mollement en faisant un "flochloc" pas vraiment électrisant. Quand on a goûté au CLAC sonore et net d'un ZT ou encore à l'agrément plus que convenable d'un crossbar lock à flipper parfaitement ajusté, on ne peut que rester de marbre face à l'absence d'enthousiasme dont cette lame fait preuve pour se déployer et s'engager contre son mécanisme de verrouillage.

Au rang des coupables, outre les dimensions réduites de la lame et donc son poids contenu ne favorisant pas une grande inertie, on peut également pointer du doigt l'angle inhabituellement ouvert du biseau aménagé à son talon et contre lequel le ressort du Liner Lock vient en s'appuyer.

Tu est sur un pente glissante, Liner...

Tu est sur un pente glissante, Liner...

Lorsque la lame arrive en bout de course, l'engagement du ressort se fait en glissant progressivement contre ce biseau, ce qui explique l'absence de "netteté" sonore liée à la mise en place du verrouillage. Mais plus grave qu'un simple inconfort auditif, cette configuration rend le verrouillage tout simplement inopérant.

Imaginez une porte: si sa pêne est droite, vous aurez beau la claquer de toutes vos forces, elle refusera obstinément de se refermer. Le seul moyen pour arriver à vos fins sera d'en abaisser la poignée pour que la pêne se rétracte. À présent, équipez cette même porte d'une pêne en biseau et cette dernière se refermera d'une simple pression.

Avec un angle de contact entre le talon de la lame et l'extrémité du liner lock de presque 30° par rapport à l'axe du manche, le "verrouillage" se comporte comme une pêne biseautée: une simple pression sur se dos de la lame suffit pour que le ressort s'écarte spontanément et libère sa captive. Ce n'est même plus la peine de désengager le ressort à la main! C'EST UNE RÉVOLUTION!!!

Je referme mon FR d'une pichenette sur le dos de la lame, ou encore en appuyant dessus comme un simple cran forcé: l'opération demande à peine plus d'effort mais l'instant où la lame se replie est en revanche beaucoup moins prévisible.

À l'ancienne kwah!

À l'ancienne kwah!

Il va sans dire que, s'agissant d'un modèle supposément "à verrouillage", ce comportement est totalement disqualifiant.

J'ignore si mon exemplaire est l'unique victime d'un contrôle qualité visiblement défectueux ou s'il s'agit d'une erreur de design structurelle frappant l'intégralité de la production mais, dans l'éventualité du second cas, cela expliquerait assez bien la durée de vie pour le moins éphémère de ce modèle au catalogue de Böker.

Un port plutôt bon

Avec ses dimensions réduites et son poids contenu à 62 grammes, le FR est en revanche un compagnon plutôt discret et qui se laisse volontiers oublier sur le rebord de la poche où il est retenu par son clip profond, pointe en haut mais exclusivement réservé aux droitiers (parce qu'avoir un look de gentilhomme n'est pas compatible avec la paire de trous disgracieux et inutiles qui auraient été nécessaire pour offrir la possibilité de fixer ce clip de l'autre côté du manche).

Ça reste néanmoins une belle réalisation.

Ça reste néanmoins une belle réalisation.

En outre, ce clip (réalisé dans le même titane que les platines et bénéficiant du même traitement de surface) est plutôt bien intégré, en plus d'être tout à fait efficace. On apprécie notamment la visserie à tête fraisée et le fait que le manche soit creusé pour accueillir la base du clip, qui ne dépasse ainsi d'aucune façon susceptible d'entraver la progression du tissu.

Ce que l'on peut regretter en revanche, c'est que son extrémité soit inexplicablement saillante, de sorte qu'elle se révèle rapidement inconfortable une fois le couteau en main, inconfort qui s'ajoute aux arêtes vives exposées de toutes parts et au sujet desquelles je me suis déjà largement épanché.

J'avoue ne pas comprendre les motivations qui poussent des gens à faire ça.

J'avoue ne pas comprendre les motivations qui poussent des gens à faire ça.

Et puisque nous y sommes, il est bon de rappeler que "discret" ne signifie pas forcément "agréable" car, armé de ces désormais fameuses arêtes vives, le FR se rappelle volontiers à l'utilisateur lorsque, gardant farouchement le rebord de la poche où il sied, il s'en prend sans discernement aux mains amies comme ennemies qui auraient l'audace de trop s'en approcher.

A cette fin, il peut également compter sur sa botte secrète: un tenon de flipper pas très grand mais remarquablement pointu aux angles, qu'un explorateur tissulaire averti apprendra rapidement à contourner sous peine de contusions diverses et variées.

Il est en revanche une qualité que l'on ne peut nier au FR, c'est la sympathie qu'ils suscite chez les observateurs avec sa lame rondouillarde et son air bien sapé. A défaut d'être l'outil idéal pour les diners mondains entre gentilshommes barbus et tatoués, il ne manquera pas d'attirer l'attention des convives pour qui un "Deejo" constitue le summum du raffinement (et non, je ne ferai pas la critique du "Deejo" car je n'écris que sur les couteaux que j'utilise et il est hors de question que je pose la main sur une de ces... choses).

Un rapport qualité/prix sans la qualité

Proposé aux alentours de 90€ à l'époque où il était encore disponible, ce modèle n'avait pas à rougir de ses matériaux: un acier VG10 encore assez tendance, du titane en plein coming-out et des plaquettes en G10 très "mainstream".

Par ailleurs, à toutes choses égales, la qualité des finitions semble à première vue au rendez-vous, qu'il s'agisse du satiné tiré de long, du centrage et de l'affûtage de la lame ou encore de la régularité du débord des platines sous leurs plaquettes.

Sauf qu'avec une charnière qui rouille spontanément dans ma vitrine et un Liner Lock qui refuse purement et simplement de faire son boulot, nous sommes en présence d'une pièce qui peut être considérée comme rien de moins que défectueuse, et qui n'aurait jamais dû franchir avec succès un contrôle qualité digne de ce nom.

Or, m'étant procuré cet exemplaire alors que mes connaissances en coutelleries étaient encore très limitées (elles le sont toujours... juste un peu moins qu'à l'époque), je ne réalisais que trop tard cet état de fait: le délai de retour de la marchandise était déjà expiré et j'allais devoir apprendre à vivre avec. Cette expérience certainement anecdotique au regard d'une production probablement irréprochable aura néanmoins eu le mérite d'éveiller mon attention à ce genre de détail pour mes acquisitions ultérieures, et je l'en remercie.

Une conclusion concluante

Pour moi, le Böker FR est la démonstration qu'il ne suffit pas de prendre un modèle à succès et de l'étirer sous photoshop pour en faire un autre modèle à succès.

Une ligne de tranchant inadaptée à la plupart des usages et un manche pas vraiment agréable en font un outil que je préfère éviter lorsque tant d'autres alternatives sont à ma disposition et que presque toutes sont mieux conçues et pas forcément plus moches ni plus chères.

En ajoutant à cela une articulation juste défectueuse, nous avons là le cocktail idéal pour espérances déçues. Pire: alors que le Urban Trapper continue de faire un carton, son successeur a réussi l'exploit de me vacciner contre les designs de Brad Zinker et d'annihiler l'intérêt potentiel que j'aurais pu nourrir pour ses autres créations.

C'est donc mon bien qu'un simple coup dans l'eau pour la gamme "Böker plus" à qui je n'ai pas pour autant tourné le dos, mais qui aura néanmoins réussi à éveiller ma méfiance quand à la régularité de sa production. Le genre d'expérience qui vous forge un esprit critique, en somme.

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