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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

Condor "Ötzi": le néolithique contemporain

Condor "Ötzi": le néolithique contemporain
Les salutations

Bonjour cher lecteur, et bienvenue dans cette nouvelle escapade coutelière à la découverte des couteaux du monde.

Aujourd'hui, nous partons en Amérique centrale, à la rencontre d'une entreprise implantée au Salvador depuis les années 60. C'est en effet en 1964 qu'une entreprise allemande du nom de "Bebr Weyesberg Company", elle-même fondée en 1787 à Solingen et spécialisée dans la production de sabres, de couteaux et d'outils agricoles, décide d'ouvrir une succursale dans la ville de Santa Ana: deuxième ville la plus peuplée du Salvador avec pas moins de 167.000 habitants à l'heure où j'écris ses lignes.

La manufacture est baptisée "Imacasa" et dotée par sa maison mère des équipement les plus modernes de l'époque, ses ouvriers sont formés par les meilleurs experts allemands. Elle s'impose alors rapidement comme le fleuron de la production centraméricaine.

Bien que n'ayant laissé que peu de traces dans l'histoire occidentale, il est établi que la manufacture a été cédée dans les années 80 à un groupe d'investisseurs locaux, prenant ainsi son indépendance vis à vis de ses créateurs européens. Ce rachat ne porte pas préjudice à la croissance de l'entreprise dont les outils (principalement agricoles et de jardinage) s'exportent, à la fin des années 90, dans plus d'une cinquantaine de pays.

Il faudra toutefois attendre 2004 pour que Imacasa tente le pari d'investir un marché coutelier nordaméricain et européen très concurrentiel, avec une nouvelle marque dédiée à ce secteur: "Condor knives and tools" était née.

Pour réussir ce pari, la marque naissante s'entoure rapidement de designers de talent, dont un certain Joe Flowers. Cet américain spécialiste de Bushcraft dessine pour Condor une large gamme de machettes et de couteaux de survie, ainsi que quelques modèles plus fantaisistes, dont le Ötzi est l'un des représentantes les plus originaux.

La présentation générale

C'est le 19 septembre 1991 en Italie, à 3210 mètres d'altitude et à moins d'une centaine de mètres de la frontière avec l'Autriche, qu'un couple de randonneurs découvre tout à fait par hasard le cadavre momifié d'un homme tout juste recraché par le glacier des Alpes de l'Ötztal. D'abord identifié à tort comme un promeneur égaré, le corps de "Ötzi" (nommé ainsi en raison du lieu de sa découverte) n'est récupéré par les autorités que plusieurs jours après sa découverte, laissant le temps aux curieux de passage de détériorer à la fois la dépouille et son environnement. Or, en analysant le corps et les vestiges qui l'entournent, les scientifiques découvrent, stupéfaits, que celui-ci est âgé de pas moins de 5200 ans, ce qui fait remonter la période où Ötzi a vécu à la fin du néolithique (3200 av. JC).

En même temps, avec une tronche pareille... (image Wikipedia)

En même temps, avec une tronche pareille... (image Wikipedia)

Grâce à l'excellent état de conservation de son corps, et de ses effets personnels, Ötzi est à ce jour l'une des sources d'information les plus importantes et précises sur le mode de vie des hommes de cette partie de l'histoire.

Parmi les équipements qui accompagnaient sa dépouille, on trouve notamment une hache en cuivre, un arc et des flèches en cours de fabrication, un nécessaire à feu, de petits outils en silex et... un poignard à lame de silex, manche en frêne et ligature en boyau de renne.

De la pointe de ce silex, 5200 ans d'histoire nous contemplent.

De la pointe de ce silex, 5200 ans d'histoire nous contemplent.

Il n'en fallait pas plus pour inspirer en 2018 à Joe Flowers les prémices d'une phase régressive qui donneront naissance chez Condor à des modèles tels que le "Ötzi" (2018), le "Cavelore" (2019) et le "Lost roman" (2020)

Délicieusement régressifs!
Délicieusement régressifs!
Délicieusement régressifs!

Délicieusement régressifs!

Véritable mise à jour du modèle en silex trouvé aux côté de l'homme de glace, le "Ötzi" de condor tente de reproduire l'apparence d'un outil préhistorique jusqu'aux éclats du silex sur ses flancs martelés, mais en une déclinaison de matériaux dignes du second millénaire.

Plus qu'un outil parfaitement adapté au quotidien citadin, ce couteau est avant tout le fruit d'un coup de cœur, d'un désir inavouable de se prendre l'espace d'un instant pour un homme préhistorique des temps moderne.

La lame

En dépit de son look atypique et de ses dimensions plutôt modestes, cette pièce de métal s'avère tout ce qu'il y a de plus fonctionnelle.

C'est sûr qu'on ne voit pas ça tous les jours.

C'est sûr qu'on ne voit pas ça tous les jours.

Caractéristiques techniques
Longueur 60mm
Longueur de coupe 60mm
Hauteur 27.5mm
Épaisseur 2.6mm
Épaisseur derrière le fil Non applicable
Angle d'émouture primaire 11.3°
Type d'émouture primaire Scandi
Matériau 1095
Dureté* 55 HRC

(* Données constructeur)

Tandis que le silex du poignard d'Ötzi était à double tranchant, la lame de sa réplique produite par Condor propose une émouture simple plus conventionnelle et d'un aspect grossier que l'on espère volontaire. Le travail est en effet terminé au grain 120 tout au plus, et à main levée à en juger par l'irrégularité du tranchant. Pas franchement rasoir en sortie d'emballage, la nuance d'acier "carbone" utilisée pour ce modèle permet heureusement à n'importe quel profane de lui constituer un tranchant digne de ce nom sans effort significatif.

Il semble évident à l'observateur que le plus gros du travail accompli sur cette pièce de métal a été ici consacré à la réalisation de l'aspect martelé des flancs, supposé évoquer les facettes caractéristiques des outils en pierre taillées. Un parti pris esthétiquement contestable mais ne manquant indéniablement pas d'originalité.

De profil, cette lame adopte la silhouette caractéristique d'une feuille de sauge, ce qui lui procure une polyvalence appréciable: tout aussi capable de tirer des coupes droites contre un support que de laisser rouler son fil une planche à découper ou encore de pousser du copeau de bois, son épaisseur contenu lui offrirait un excellent pouvoir de progression dans la matière si le motif de ses flancs n'était pas aussi profondément marqué.

Pas idéal pour se faufiler dans une meule de conté bien gras...

Pas idéal pour se faufiler dans une meule de conté bien gras...

En outre, ses dimensions délibérément réduites la cantonnent à de petits travaux de précision et ne permettent décemment pas d'envisager des tâches plus conséquentes: même en usage alimentaire, il est délicat d'utiliser ce couteau sans faire baigner son manche dans la nourriture... ...A part bien sûr lorsqu'il s'agit de couper une part de pizza!

...et c'est comme ça que l'homme du néolithique coupait les parts de sa pizza livrée à domicile.

...et c'est comme ça que l'homme du néolithique coupait les parts de sa pizza livrée à domicile.

C'est par contre un plaisir de l'avoir sur soi (et tant qu'à faire autour du cou, histoire de se prendre pour rahan) lorsque l'on déambule dans l'atelier, le jardin ou la forêt, à la recherche de quelque prétexte pour le mettre au boulot.

Le manche

Ce petit bout de caryer ("Hickory" en anglais) qui ne paye pas de mine s'avère à l'usage une excellente surprise ergonomique!

Et pourtant, vu comme ça, ça pourrait ne pas sembler évident.

Et pourtant, vu comme ça, ça pourrait ne pas sembler évident.

Caractéristiques techniques
Longueur 84mm
Hauteur 25.5mm
Épaisseur 18mm
Matériau Caryer
Habillage Fil de cuivre
Montage Soie postiche

Difficile de s'éterniser sur ce simple tonneau de bois accueillant sa lame sur une soie postiche. Dénué de tout artifice si ce n'est un ornement réalisé en fil de cuivre torsadé venu remplacer la ligature en tendon de renne du modèle "original", sa géométrie sans fioritures offre une prise en main naturelle.

Grâce à une section bien dodue, il remplit confortablement la main, y compris lorsque le couteau est tenu dans le creux de la paume. Sa longueur limitée ne permet toutefois d'héberger que trois doigts tout au plus, à moins d'avancer sa prise de sorte à pincer la lame entre le pouce et l'index, auquel cas le tranchant du Ötzi donne réellement l'impression de faire corps avec la main.

Dans cette position, on s'imagine aisément réaliser des tâches d'une grande précision.

Dans cette position, on s'imagine aisément réaliser des tâches d'une grande précision.

Esthétiquement, l'association du bois et du cuivre procure une assez bonne impression d'outil primitif, tout en étant plus durable que de la matière animale. En outre, le relief créé par ce fil torsadé contribue à empêcher le couteau de glisser dans la main. Eu égard aux dimensions de la lame, ce manche remplit parfaitement son office.

Et si le poinçon du fabricant n'est pas apposé sur la lame, c'est sur la tranche de ce manche, côté ventre, qu'il est fait mention de ses origines.

Un marquage parcimonieux et discret.

Un marquage parcimonieux et discret.

Le transport

On ne sera pas surpris de constater l'absence d'un clip de poche s'agissant d'un couteau qui, d'une part, n'est pas vraiment pliant et, d'autre part, tente de retranscrire l'esprit d'un outil préhistorique.

En revanche, Condor nous livre sa création accompagnée d'un charmant petit étui tout en cuir, jusque sur sa lanière tressée destinée à installer l'ensemble autour de son cou.

C'est chou non?

C'est chou non?

Aussi, bien que parfaitement capable de se loger dans une poche, on prend plaisir à déambuler en slip dans son salon avec son silex autour du cou, tel un vrai homme des cavernes dans sa grotte climatisée.

Très léger (56g sans son étui), il se laisse facilement oublier pour peu que l'on prenne ses dispositions afin d'éviter que celui-ci ne batte continuellement sur la poitrine à chaque mouvement un tant soit peu dynamique.

Son apparence pour le moins originale et ses dimensions modestes contribuent également à en faire un objet de curiosité auprès des profanes autant que des amateurs, plutôt qu'à être perçu comme une menace. Si cet outil sert bien à une chose, c'est à engager la conversation.

Le rapport qualité/prix

Il est délicat pour moi qui ne suis pas coutumier des assemblages à soie postiche de juger avec précision de la qualité de fabrication de cet objet.

Cependant, il apparaît évident qu'une grande partie des étapes de sa réalisation ont été opérées à la main: les différentes imperfections qui contribuent à lui donner son caractère, et le fait qu'il n'en existe pas deux exemplaires identiques sont des signes qui ne trompent pas.

Aussi, s'agissant d'une réalisation au moins partiellement manuelle, on ne sera pas choqué d'un tarif publique affiché à 60€. Les matériaux ne sont certes pas les plus nobles, mais il y a néanmoins quelques heures de boulot sur chaque pièce, surtout si l'on considère le travail réalisé sur l'étui.

L'émouture n'est pas parfaitement régulière, mais la lame a le mérite d'être correctement centrée et alignée avec le manche. L'assemblage ne bouge pas d'un poil. Le bois est propre et le fil décoratif bien fixé. Le tout ne souffre d'aucun reproche majeur.

Alors certes on pourrait sans doute trouver un modèle de qualité similaire et réalisé dans des matériaux plus modernes à un prix identique si ce n'est inférieur, mais il n'aurait définitivement pas le même cachet!

La conclusion

Pour conclure sur ce modèle, je dirais qu'en résumé, on s'y attache surtout pour l'image qu'il véhicule et l'histoire qu'il évoque. Sans être un outil extraordinaire, il est bourré de charme à sa manière et mérite sa place dans une collection, surtout si son propriétaire est du genre qui ne peut pas s'empêcher de ramener sa science à tout bout de champ pour parler des origines de cette création.

A l'heure actuelle, notre prochaine destination n'est pas encore établie, aussi n'hésite pas cher lecteur à me faire part de tes souhaits dans les commentaires. Et d'ici là, je te souhaite une excellente journée.

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