Henden "Puukko": le tour du monde

En quête d'origines

Rebonjour bien aimé lecteur.

Le couteau du jour est un nouveau prétexte de se lancer dans une véritable enquête archéologique, faite de recherches et de conjectures, car son histoire s'accroche à de maigres fils et ce n'est pas sur un quelconque poinçon, désespérément absent de sa lame, que nous pourrons nous appuyer pour en savoir plus!

On pourrait bien entendu se tourner vers son ancien propriétaire pour en apprendre davantage (car ce couteau m'a été offert en juin 2021), mais cette tentative se révélerait peu fructueuse car ce dernier l'avait lui même reçu en cadeau dans les années 80, lorsqu'il vivait au canada. Et il n'avait bien entendu pas songé à poser alors une telle question à son généreux donateur.

C'est donc en lisant quelques pages de ce blog et en y constatant mon acharnement à retracer l'histoire des pièces qui tombent entre mes mains que cet ami de longue date m'a lancé le défi de remonter aux origines de ce petit puukko typiquement scandinave. "A vue de nez, je dirais Norvège ou Finlande, mais pour en savoir plus il faudrait que je l'aie entre les mains, afin de rechercher les marques qui pourraient me mettre sur une piste".

Lorsque l'objet du crime me fut remis, je ne pus hélas que constater le manque de soin manifeste dont il avait fait l'objet, utilisé comme coupe papier, remisé dans un tiroir une fois débarrassé de la boucle de son étui à coups de cutter, et vraisemblablement affûté à la pierre à faux.

"Rho, c'est vraiment dommage de laisser ce joli petit couteau dans un tel état! Tu permets que je profite de l'occasion pour essayer de le rafraichir? Il mérite vraiment quelques soins là.
- J'avoue que je n'en ai pas pris vraiment soin. Il faut dire que je ne suis pas aussi passionné que toi... Tiens, tu sais quoi? Si tu arrives à le remettre en état ET à me dire d'où il vient, il est à toi: ça fera un chapitre de plus à son histoire et un article de plus pour ton blog!
- Chiche."

Et c'est ainsi que débuta un travail conjoint de restauration et de recherche. Et si la restauration ne me demanda qu'un peu de patience, le travail de recherche nécessita de la chance et l'aide de l'Internet.

Tour du (futur) propriétaire

Comme je le disais précédemment, ce petit couteau présente toutes les caractéristiques d'un puukko scandinave avec son profil droit, son émouture "scandi" et son manche en tonneau sur une soie postiche.

Dur de renier de telles origines...

En revanche, aucun marquage particulier ne permet d'en établir l'origine. La fleur gravée dans le manche (vraisemblablement en corne) ne constituant pas un indice suffisant au vu de mes connaissances actuelles. Au rang des originalités, on notera un décrochage très subtil sur le dernier quart de son dos, façon "clip-point", que souligne une contre émouture à peine visible mais clairement sensible au toucher.

L'émouture, quant à elle, est bel et bien simple avec un angle à 12° tout ce qu'il y a de plus classique sur une lame de 2.5mm d'épaisseur. Cette géométrie n'est toutefois que le résultat du travail de restauration effectué à partir d'une lame sévèrement endommagée lorsque je l'ai reçue. Il n'est donc pas exclu qu'à l'origine l'émouture ait été sensiblement différente, affublée d'un léger convexe ou d'une petite émouture secondaire... Difficile de deviner ce qui se cachait exactement sous les rayures et les encoches qui l'ornaient de toutes parts.

Vraisemblablement conçu comme un couteau d'ornement et non d'extérieur, comme le suggère très fortement ses dimensions qui ne permettent de le tenir qu'à deux doigts et demi, cette pièce délicate est accompagnée d'un étui en cuir et corne rivetée.

Un travail soigné pour ce petit étui qui maintient parfaitement le couteau.

C'est sur cet étui que l'on peut trouver la seule mention susceptible de constituer un début de piste:

Que la chasse commence!

Difficile toutefois de dire si ces mots désignent une personne, une marque, un lieu, ou un mélange de tout cela. Ne parlant aucune langue scandinave, je ne suis effectivement pas en mesure d'exclure l'hypothèse qu'il s'agisse tout simplement d'une devise gravée à la demande de son premier propriétaire. Un truc du genre "Force et Honneur" ou encore "L'hiver vient"...

En outre, et malgré les talents manuscrits de la personne en charge de cette inscription, il n'est pas non plus complètement exclu de confondre une lettre avec une autre, raison pour laquelle j'ai commencé mes investigations en compagnie de moteurs de recherche à qui j'ai demandé de me rapporter tous les "M HENDEN HENNEBYUDA" de la toile, requête à laquelle aucun d'entre eux n'avait de résultat à me fournir.

Une piste en amenant une autre...

Mais grâce au pouvoir de la big data et des superpuissances de l'informatique, Google en tête, une suggestion me fut bientôt proposée en lieu et place de ma requête: le village de Hennebygda sur les rives du Nordfjord en Norvège.

L'étau se resserre!

A bien y regarder, ce "U" pourrait effectivement tout aussi bien être un "G". Et le nom d'un village norvégien associé à un couteau scandinave commence à faire sens. J'opte donc pour cette nouvelle piste. Et c'est en lançant une recherche sur ce tout petit village que je découvre qu'on peut y trouver une famille portant le nom de "Henden" et dont l'un des membres, Mons Henden, était notamment connu pour avoir publié en 1963 un livre intitulé "ei kultursoge".

Les coincidences commencent à s'accumuler et le doute à se dissiper. Pour enfoncer le clou, en continuant à creuser je tombe sur un modèle exposé au musée du folklore norvégien et qui présente une furieuse ressemblance avec mon exemplaire.

Il y a quand même comme un petit air de famille.

Bien qu'aucune information supplémentaire ne me permette d'avancer sur la datation de mon "futur couteau" (car j'estime à partir de cette découverte que l'affaire est comme qui dirait dans le sac), elle n'en confirme pas moins la justesse de mon hypothèse.

Pour ce qui est de son année de fabrication, je ne peux m'en remettre qu'à mon intuition (où mes désirs, selon la manière dont on voit la chose) et il me plait à croire que celle-ci est antérieure aux années 80, c'est à dire que le couteau avait déjà un peu roulé sa bosse avant d'atterrir au Canada entre les mains de mon ami.

Évidemment à ce stade, rien ne me permet d'avancer qu'il ne s'agit pas d'une (excellente) contrefaçon pakistanaise, si ce n'est la somme déraisonnable d'hypothèses qu'il faudrait formuler pour rendre cette piste probable. D'autant que dans sa version actuelle, l'origine supposée de ce charmant petit couteau satisfait pleinement l'ami qui n'a pas manqué de tenir sa promesse et de me l'offrir, afin que je puisse à mon tour écrire le prochain chapitre de son histoire.