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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

CRKT "Piet": l'attachant

CRKT "Piet": l'attachant
Salutations

Bonjour, cher lecteur. Ça fait un bail!

Enfin pour toi, peut-être pas. Car j'imagine sans peine combien tu t'empresses chaque matin de venir visiter ce blog afin de lire et relire tes articles préférés pour bien démarrer ta journée. C'est d'ailleurs grâce à cette fréquentation assidue (et dont je te sais gré) que ce recoin perdu de l'Internet peut s'enorgueillir d'une bonne demi douzaine de visites par jour!

En ce qui me concerne, je ne peux toutefois te saluer que lorsque j'entame la rédaction du traditionnel chapitre salutationnel, chose qui n'arrive pas tous les matins car j'ai [dieu merci/hélas] (raye la mention inutile) d'autres passions à mon actif.

Mais comme avec les bons amis, ce n'est pas la fréquence qui fait la qualité d'une relation et j'ai chaque fois le même plaisir à m'installer devant le clavier en pensant à toi, improbable et inconnu lecteur qui accepte de passer quelques minutes en compagnie de ma prose et qui parfois même -consécration ultime de mes efforts- prend la peine de me faire savoir qu'elle t'a plu.

Aujourd'hui, pour continuer notre hétéroclite escapade à la découverte des couteaux du monde (et aussi parce que c'est le calme plat à l'atelier), je te propose de nous tourner du côté des États-Unis et plus précisément dans la banlieue de Portland en Oregon, capitale fédérale de la coutellerie industrielle US.

Nous y ferons la rencontre d'un petit couteau bon marché mais pas pour autant dénué d'intérêt.

Présentation générale

C'est en 1994 que la société "Columbia River Knife & Tool" est fondée par Paul Gillespi et Rod Bremer, tous deux anciens employés du géant de l'industrie coutelière Kershaw (dont un panorama est brossé dans l'article consacré au Dividend).

L'entreprise peine tout d'abord à décoller puis, en 1997, se fait remarquer au salon annuel "Shot Show" avec un modèle pour le moins original, imaginé par le designer Ed Halligan et appelé "K.I.S.S (Keep It Stupid Simple)"

Minimaliste, c'est le moins qu'on puisse dire!

Minimaliste, c'est le moins qu'on puisse dire!

Le succès de ce couteau "réduit à sa plus simple expression" fut tel que l'intégralité de la production annuelle fut vendue sur la seule durée du salon, et que CRKT dût commander à ses sous-traitants chinois entre 4 et 5 fois le stock prévu et tripler ses propres efforts de production. La marque était lancée.

Car oui, depuis ses tout débuts, l'entreprise américaine a fait le choix de sous-traiter l'intégralité de sa production à des fournisseurs asiatiques (les mêmes que nous retrouverons vingt ans plus tard sur le devant de la scène industrielle avec leurs propres gammes), pour se concentrer exclusivement sur la conception. Aidée en cela par les nombreux designers de renom qui ont prêté leur talent à la marque au cours des années (Ken Onion, Harold "Kit" Carson, Allen Elishewitz, Pat Crawford, Liong Mah, Steven James., Jesper Voxnaes...), CRKT a su proposer des couteaux à la fois originaux, fonctionnels et abordables.

Et si l'entreprise a évidemment traversé quelques difficultés, comme par exemple l'intervention d'un douanier trop zélé qui a immobilisé en octobre 2000 un container chinois contenant pour 4.3 millions de dollars de couteaux CRKT, faisant perdre à l'entreprise plus d'1 million de dollars de chiffre d'affaire; elle a néanmoins su se hisser sur les toutes premières marches du podium industriel US, aux côtés de l'ennemi juré Kershaw et d'acteurs historiques tels que Gerber, Benchmade et Leatherman.

Bien installée sur le créneau des couteaux au tarif abordable, la marque n'en est pas moins active sur le plan de l'innovation, et détient une quinzaine de brevets portant aussi bien sur des mécanismes d'ouverture assistée ou encore de verrouillage, que sur une géométrie de crantage exclusive (que je lui sais gré de garder pour elle).

Bien entendu, tous les modèles de CRKT n'ont pas été des "hits" commerciaux et la marque a subi quelques traversées du désert depuis sa création, mais chaque fois que l'on pensait la voir se faire reléguer en seconde ligue, elle a su s'associer avec le bon designer pour revenir sur le devant de la scène avec un modèle à succès. Le dernier rebondissement de ce genre date à ma connaissance de 2017, avec la sortie du "Pilar" dessinée par Jesper Voxnaes.

L'un des incontestables "pilars" du succès de CRKT.

L'un des incontestables "pilars" du succès de CRKT.

Nous aurons l'occasion de revenir dans un futur article sur le Pilar et ses multiples engeances (Pilar Large, Pilar III et Pilar IV, à l'heure où j'écris ces lignes [...parce que le Pilar II, je l'ai cassé! {référence honteuse à un film lamentable}]); ce qui importe dans le présent contexte, c'est que c'est le même "Vox" qui a imaginé les lignes du best-seller susnommé ET du couteau beaucoup plus confidentiel au sujet duquel nous allons deviser aujourd'hui.

Car le "Piet", sorti en 2020, est beaucoup plus discret que son grand frère, dans la presse comme sur la toile. Loin d'avoir déchaîné l'hystérie collective du Pilar (au point que ce couteau a pendant plusieurs mois été en rupture de stock l'année de sa sortie), ce modèle plus "urbain" est arrivé sans tapage marketing et les articles qui lui sont consacrés sont plutôt rares et souvent laconiques.

Ce n'est qu'en flânant au hasard devant les vitrines numériques que j'en découvris l'existence et, séduit autant par ses lignes que par son prix, décidais d'en faire l'acquisition en 2021, sans avis de référence auquel me fier. En d'autres termes, je m'apprête donc à te faire, cher lecteur, une critique presque complètement inédite!

Une lame toute choupi

Doté de dimensions modestes, la lame du Piet se donne manifestement du mal pour que son propriétaire en ait pour son argent.

Vox a encore frappé!

Vox a encore frappé!

Caractéristiques techniques
Longueur 67mm
Longueur de coupe 62mm
Hauteur 26.5mm
Épaisseur 3mm
Épaisseur derrière le fil 0.6mm
Angle d'émouture primaire 3.43°
Type d'émouture primaire Plate
Matériau 8Cr13MoV
Dureté* 58 HRC

(* données constructeur)

En partant d'un drop point tout à fait conventionnel, doté d'une pointe parfaitement centrée et d'un fil à la courbure régulière et progressive, le designer danois a malgré tout réussi à donner à cette silhouette un caractère pratique et original que ses habitués ne manqueront pas de lui reconnaître.

Un fil légèrement plus bas que le ventre du manche permet d'en exploiter toute la longueur lors des coupes contre plan, sans nécessiter pour cela de contorsions digitales intempestives, tandis que sa pointe est suffisamment tendue pour les coupes de précision "façon cutter".

Check.

Check.

Check.

Check.

Si l'on peut évidemment regretter de ne pas disposer de plus de longueur utile, on trouve cependant une compensation intéressante dans le fait d'avoir la pointe proche de la main et donc un excellent contrôle lors des travaux de précision. En outre, le Piet n'est pas non plus un "mini" couteau et, en dépit de ses dimensions modestes, offre plus d'agrément qu'on ne pourrait le soupçonner.

Cette lame ne trouve évidemment pas sa place dans la plupart des tâches de préparation culinaire, mais ne se comporte pas moins tout à fait correctement posée à côté de l'assiette, et se révèle même une excellente compagne de bricolage.

L'épaisseur de son fil et l'angle de son émouture, tout à fait standards pour un modèle industriel, en feraient une trancheuse agréable si elle n'était pas entravée par une épaisseur que l'on trouve habituellement sur des modèles de gabarit supérieur. Certes, ses 3 mm n'ont rien d'excessif ou de choquant, mais j'aurais personnellement trouvé pertinent de voir cette lame s'affiner proportionnellement à ses autres dimensions.

Cela étant dit, la finesse des lames n'a jamais été la spécialité de Vox d'une part, et d'autre part le Piet n'aurait pas pu être produit au tarif qui est le sien s'il avait du bénéficier d'une épaisseur de lame "exotique" au regard du reste de la production du sous-traitant chinois.

Et puis bon, c'est pas non plus une barre à mine!

Et puis bon, c'est pas non plus une barre à mine!

La volonté de CRKT de contenir le prix de son couteau est d'ailleurs responsable du choix le plus critiquable du constructeur: le sempiternel 8Cr13MoV implémenté sur la quasi-intégralité de sa gamme. Un alliage certes abordable, mais qui n'est hélas pas de nature à susciter l'excitation chez les amateurs et qui dessert les qualités de cette lame par une tenue du tranchant qui n'est plus à la hauteur des attentes créées ces derniers mois par la démocratisation de l'acier D2 sur cette gamme tarifaire.

Et puisqu'on en est aux reproches, je ne peux m'empêcher d'exprimer mon regret face au constat que Vox n'a pas su satisfaire mes attentes impossibles -car contradictoires- en matière d'ouverture de lame: moi qui râle la plupart du temps sur les ergots de pouce qui gênent la pénétration en profondeur et sur les flippers qui empêchent d'exploiter la base du fil, me voilà en train de me plaindre d'un orifice d'ouverture qui, bien que parfaitement fonctionnel (nous y reviendrons en temps voulu) s'avère, lors des gestes de coupe profonde, un véritable accumulateur de crasse.

Or, il est évident qu'il fallait bien un moyen quelconque d'ouvrir cette lame à une main, sans quoi je ne me serais pas gêné pour tancer vertement l'intolérable ségrégation pratiquée à l'égard des manchots. L'équation est donc délicate à résoudre pour quiconque, j'en conviens, mais j'aurais néanmoins apprécié ici une solution moins... omniprésente: l'orifice est vraiment grand et, hauteur de lame oblige, proche du fil.

Il ne faut pas creuser loin dans le brie pour repartir avec un souvenir.

Il ne faut pas creuser loin dans le brie pour repartir avec un souvenir.

Nous sommes à l'antithèse d'un Spydiechef, par exemple, dont l'orifice -tout aussi fonctionnel- a le bon goût d'être à la fois plus petit et plus éloigné de la zone de travail.

Côté habillage, cette lame a bénéficié de soins évidents. Les lignes d'émoutures ne sont peut être pas dessinées au scalpel, mais la finition satinée est propre et homogène. Quand au marquage, il n'est pas excessif avec le simple nom de l'entreprise apposé du côté droit et le modèle ainsi que son designer côté gauche. De ce même côté, la référence catalogue de ce modèle est également visible le long de l'entablure, mais aucune mention n'est faite à la nuance d'acier utilisée.

En toute simplicité.
En toute simplicité.

En toute simplicité.

Les émoutures primaires comme secondaires sont impeccablement symétriques et l'affûtage en sortie de boite était tout à fait honorable. On peut donc considérer que le sous-traitant a fait un bon travail avec le cahier des charges qui lui a été soumis.

Un manche qui en a sous le coude

S'il déçoit au premier contact, on se familiarise rapidement avec le manche du Piet, au point même de le trouver sympathique.

En photo, il donne presque l'impression d'être moelleux.

En photo, il donne presque l'impression d'être moelleux.

Caractéristiques techniques
Longueur 95mm
Hauteur 26mm
Épaisseur 12mm
Platines Acier inox
Plaquettes FRN
Entretoise Aluminium

La toute première fois que j'ai pris ce couteau en main, un mot m'est immédiatement venu à l'esprit: "PLASTIQUE". Mais pas le plastique sympa et confortable qu'on trouve sur le manche d'un Mora Pro ou, dans une moindre mesure, d'un Kiana, non! Plutôt le genre de plastique dur et cassant qu'on retrouve sur un jouet bas de gamme qui, offert à Noël, finira dans la poubelle en pièces détachées avant Pâques.

Pourtant, il s'agit du même nylon renforcé à la fibre de verre que l'on retrouve sur bien des modèles allant du suscité Kiana au récemment visité ANV A100 en passant par le respecté Benchmade Griptilian: une matière qui, a priori, a fait ses preuves! Mais il y a dans la conception du Piet un petit quelque chose qui fait qu'on ne le perçoit pas de la même manière...

Est-ce la rigidité des platines métalliques situées à peine 1mm en dessous? Après tout, en matière de plastique, on a plutôt tendance à penser que "si ça se plie, c'est que ça ne se casse pas". Est-ce la texture réalisée à sa surface? C'est vrai qu'elle crisse plutôt sec sous la pointe de l'ongle, mais elle apporte néanmoins tout le grip souhaité sans pour autant se révéler abrasive sur le long terme. C'est donc plutôt une réussite...

C'est con à dire, mais ça fonctionne!

C'est con à dire, mais ça fonctionne!

Bref, il y a dans le contact entre ce manche et ma peau un petit quelque chose d'indéfinissable qui dit "low-cost". Mais en même temps, est-ce un reproche que l'on peut faire à un couteau à moins de 40€?

Passé ce premier cap, il n'y a pas grand chose d'autre à reprocher à ce manche qui, en dépit de ses dimensions modestes, assume son rôle sans faillir: situé en dessous de la barre symbolique des 10cm, il accueille pourtant quatre doigts entiers sur son ventre à condition que leur propriétaire n'ait pas des pattes d'ours.

C'est juste, mais ça passe!

C'est juste, mais ça passe!

Remplissant correctement aussi bien les phalanges que le creux de la paume, ses contours neutres permettent une multitude de positions dont celle, très inattendue, que j'appellerai "du stylet", dans laquelle la base du pouce vient naturellement (truc de ouf!) se caler derrière la garde, dans l'échancrure du liner lock, afin de manipuler la pointe de la lame comme celle d'un crayon.

Je vous jure que ça marche!!!

Je vous jure que ça marche!!!

Malgré une taille importante en comparaison des dimensions générale du manche et une configuration de port "en profondeur", le clip de poche se paye même le luxe de ne pas être gênant dans la plupart des scénarios, ce dont on le remercie chaleureusement.

Côté confort d'utilisation, c'est donc plutôt une bonne surprise, vu les dimensions de cette poignée. Du point de vue de l'esthétique, la texture des plaquettes présente même plutôt pas mal, tant qu'on n'y regarde pas de trop près et que l'on fait abstraction des trous et de la rainure destinés à accueillir le clip du côté opposé à celui où son propriétaire aura choisi de l'installer.

Selon les goûts de chacun, on sera même susceptible d'apprécier la petite touche de peps et de modernité apportée par le reflet anodisé de l'entretoise métallique légèrement affleurante et décorée d'un bosselage susceptible d'améliorer le "grip" de l'ensemble.

S'il ne fait pas forcément l'unanimité, ce détail ne manque néanmoins pas d'audace.

S'il ne fait pas forcément l'unanimité, ce détail ne manque néanmoins pas d'audace.

On termine ce tour du propriétaire avec un passe-lacet aménagé dans la susdite entretoise et une quincaillerie tout ce qu'il y a de plus normal et standard (t6 pour les vis d'entretoise et de clip, t8 pour la charnière), pour le plus grand plaisir des bricoleurs qui n'ont pas les moyens ou l'envie de se payer des embouts propriétaires.

Bref, passé le cap du PLAAAASTIQUE (musique de film d'horreur), on se surprend à trouver à ce manche davantage de qualités qu'à des modèles pourtant bien plus onéreux.

Une articulation à dompter

Pour ce qui concerne le caractère "pliant" de son couteau de poche, CRKT n'a pas pris de gros risques avec une charnière montée sur rondelles au téflon et complétée par un classique Liner Lock.

Pour ouvrir le couteau, on place donc le pouce dans le large orifice qui lui est destiné (si on est droitier, dans le cas contraire, on peut toujours oser espérer le déployer d'une pichenette du majeur...) et, OH surprise, l'orifice en question est à la fois confortable et facile d'accès!

En effet, Vox a intégré au dessin de son manche un large décrochage destiné à faciliter l'accès autant à l'orifice d'ouverture (en position fermée) qu'au Liner Lock (en position ouverte). Et comme c'est un designer qui a du goût, il a même fait en sorte que le décrochage en question suive parfaitement les contours du susdit orifice pour un rendu visuel pas vilain.

C'est à ça qu'on voit les pros.

C'est à ça qu'on voit les pros.

En outre, l'orifice lui même a été entièrement chanfreiné afin d'éviter toute arête susceptible d'agresser le pouce de l'utilisateur. Une attention bienveillante dont même le concurrent Spyderco, à qui revient pourtant la paternité du concept "orifice d'ouverture", se permet de faire l'économie sur ses modèles à plus de 200€.

Ces petits détails mis bout à bout, c'est en totale confiance que l'on se positionne pour l'ouverture imminente. On prend une inspiration. On exerce la pression tant attendue...

...et soudain, c'est le drame.

Je n'ai dans ma vie manipulé qu'un unique exemplaire du "Piet": le mien. Il serait donc à la fois sot et cuistre de prétendre que je dispose d'une quelconque légitimité pour généraliser mes observations à l'ensemble de la production. Je ne peux partager sur ces pages que l'expérience anecdotique d'un cas isolé...

...MAIS BORDEL, IL NE VEUT PAS S'OUVRIR CE SCHLASS!

Le diagnostique est rapide. En cause: la combinaison d'un Liner Lock trop serrée à l'origine d'une détente incroyablement vigoureuse, et de rondelles en nylon visiblement pas beaucoup plus téflonnées que ça. Rapidement, face à une telle récalcitrance, je dois me résoudre à utiliser mes deux mains pour enfin arriver à déplier le couteau dans un crissement qui n'est pas sans évoquer le bruit d'une poignée de sable négligemment jetée dans un ventilateur.

Une fois celui-ci ouvert, le ressort du Liner Lock, pourtant relativement fin, s'engage avec un tel enthousiasme que, ne fusse au bénéfice de la généreuse découpé imaginée par monsieur Voxnaes pour y accéder, je n'aurais pas été capable de le libérer sans un outil adapté. De même que pour le manche, ma première impression est donc pour le moins mitigée.

Direction la table de maintenance pour un démontage en bonne et due forme: sans prendre le temps de vérifier si la lame était initialement bien centrée, je retire la vis de charnière et celles de l'entretoise, désassemble mon couteau et entreprends de redresser significativement le ressort du Liner qui oblique à plus de 30° de l'axe des platines! Une fois celui-ci ajusté "au doigt mouillé", j'asperge les pièces de friction (rondelles, bille de détente) de WD40, je réassemble les pièces, ajuste le serrage de la vis de charnière de sorte à centrer la lame sans non plus en bloquer le mouvement puis, le cœur serré, me prépare à une deuxième tentative...

La salle retient son souffle! (reconstitution historique d'après les faits rapportés)

La salle retient son souffle! (reconstitution historique d'après les faits rapportés)

Le mouvement est délibéré, la lame ne bondira pas d'une pichenette mais sa course au moins est fluide et onctueuse. Les dimensions du couteau me permettent d'accompagner cette dernière d'un bout à l'autre de sa trajectoire jusqu'au "cloc" salvateur de son mécanisme de verrouillage. Mission accomplie, le Piet est enfin dompté.

Le ressort de verrouillage, fin mais bien engagé, fait correctement son travail et accepte de libérer la lame à l'issue d'une pression franche mais raisonnable. Mon doigtmouillomètre était calibré ce jour là avec la précision d'un demi poil de cul.

Et vu qu'on ne va pas bâtonner avec un Piet, c'est largement suffisant.

Et vu qu'on ne va pas bâtonner avec un Piet, c'est largement suffisant.

A l'heure actuelle, plus d'un an après cette aventure, l'articulation de mon Piet fonctionne toujours à merveille. Elle n'est pas "fun" et je ne retire pas de plaisir particulier à ouvrir et fermer ce couteau, mais elle a le mérite de faire exactement ce qu'on attend d'elle.

Il est en revanche regrettable que j'aie dû passer par un réglage en bonne et due forme du mécanisme tout juste sorti d'usine afin d'en arriver là. Et le fait d'avoir moi-même réussi à obtenir un comportement acceptable prouve que ce résultat était du domaine de l'accessible et excuse d'autant moins le processus de contrôle qualité qui a laissé passer un tel couac au travers des mailles de son filet.

J'en arrive à la conclusion que l'articulation du Piet n'est pas fondamentalement mauvaise dans sa conception, mais qu'elle n'a certainement pas été traitée par son fabricant avec le soin qu'elle méritait. Le couteau est certes bon marché mais il y a des limites.

Un port au poil

Le domaine dans lequel le Piet brille, évidemment, c'est la discrétion dans la poche. Ses dimensions aussi contenues que son poids (un petit 70g) l'y fond d'autant plus disparaitre qu'il est muni d'un clip qui n'est, lui, pas du tout au rabais.

Pointe en haut, profond à souhait et réversible droitier/gaucher, cette languette de métal est intégrée de sorte à ce que rien ne vienne entraver la progression du tissu jusqu'au plus profond de son pli: la base du clip est logée dans l'épaisseur du manche, et fixée à ce dernier par des vis à tête fraisées. Cela n'a peut être l'air de rien, mais c'est le genre de détail que l'on ne retrouve hélas pas sur des modèles pourtant beaucoup plus onéreux

Comme quoi une bonne idée n'a pas besoin de coûter cher!

Comme quoi une bonne idée n'a pas besoin de coûter cher!

En outre, le profil de ce clip n'est pas exagérément proéminent et son extrémité est subtilement aplatie de sorte à limiter les agressions accidentelles à l'égard du monde extérieur. Nous sommes donc en zone de confiance.

Il convient également de noter que la texture du manche permet d'offrir toute l'adhérence requise pour éviter au couteau une excursion accidentelle hors de son rangement, sans pour autant compromettre l'intégrité du tissu. Un excellent équilibre de propriétés qui le distinguent des véritables râpes à fromage qu'il m'est arrivé de suspendre sur le rebord de mes poches (et oui, môssieur Griptilian, c'est aussi à toi que je m'adresse!).

Côté gardiennage, le bosselage de l'entretoise peut s'avérer un poil rugueux à l'entrée de la poche, mais les dimensions réduites du couteau font qu'il est relativement facile de le contourner lorsque l'on y plonge à la recherche de ses clefs de bagnole.

Et en plus, il est discret.

Et en plus, il est discret.

Du point de vue de la représentation mondaine, enfin, son format en fait un objet relativement bien toléré en société, mais l'acuité de sa pointe et la présence d'un "cran d'arrêt" ne manqueront pas de faire tiquer les observateurs les plus suspicieux. Comme pour beaucoup de ses semblables, le Piet préfère de loin l'anonymat que lui offre la poche de son propriétaire.

Un rapport qualité/prix qui fonctionne... de justesse

Depuis sa sortie, le prix du Piet a oscillé entre 35€ et 45€ selon les fluctuations du marché et la marge des revendeurs.

A ce tarif, il est difficile de reprocher à cette recette le choix de ses ingrédients. Car si la concurrence chinoise vient tout juste de placer l'acier D2 et le G10 sur cette gamme tarifaire, des matériaux tels que le 8Cr13MoV et le nylon renforcé y ont encore de belles années devant eux.

En revanche, ce qui fâche davantage, c'est le comportement d'une charnière qui aurait pu être agréable à manipuler, mais qui n'a pas bénéficié des soins nécessaires lors de sa réalisation. Le problème a certes été aisément rectifié mais il n'en reste pas moins cette première impression de produit imparfaitement fini.

Pour le reste, je n'ai rien à reprocher à la réalisation de cette pièce: une fois admis la présence du plastique, on ne trouve rien à redire sur ses finitions. La lame est propre et correctement affûtée. Le tranchant (satisfaisant en sortie de boite) a l'air de tenir la route compte tenu de la nature de l'acier même si, dans ce domaine aussi, mon expérience n'est qu'anecdotique: des rumeurs de traitements thermiques bâclés collent depuis de nombreuses années à la peau de CRKT.

J'apprécie notamment les chanfreins autour de l'orifice d'ouverture, l'effort de bosselage sur l'entretoise, la réalisation du clip de poche... Une somme de petits détails qui, en définitive, a tout de même nécessité du temps et des efforts qui contrebalancent cette histoire de charnière au point de ne pas me faire regretter cette acquisition.

Et puis, franchement, elle n'est pas trop meugnonne cette petite bouille de schlass?

Une conclusion positive

Pour moi, le Piet n'est pas le couteau de l'année. Je n'irai pas m'offusquer de ne pas le voir faire les gros titres comme son aîné Pilar (qui, soit dit en passant, ne mérite pas non plus une telle attention, mais ce n'est que mon avis personnel et me voilà déjà en train de spoiler un article qui n'a même pas encore été écrit!).

En revanche, c'est un sympathique petit couteau, abordable et sans prise de tête, pour la bricole urbaine et quotidienne. Un modèle qui ne risque pas de basculer dans la catégorie des "précieux" que je range compulsivement dans une vitrine de peur de m'en servir.

En d'autres termes, c'est un couteau qui me sert vraiment. Le genre que je n'ai pas besoin de m'obliger à porter pendant au moins une semaine avant de me sentir légitime pour en causer. Et de ce point de vue, on peut considérer que c'est une véritable réussite.

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