Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs
28 Janvier 2023
Bonjour, cher lecteur.
J'espère que tu ne te sens pas submergé par la déferlante de critiques qui continue s'abattre sur ce mois de janvier déjà bien rempli. Mais si c'est le cas, tu peux au moins dormir tranquille: je ne serai pas en mesure de boucler un article supplémentaire d'ici la fin du mois pour des raisons purement logistiques. En effet, un petit bobo de rien du tout m'empêche d'utiliser mon index droit pour taper sur le clavier et je réalise soudain à l'issue de ce tout premier paragraphe que cette situation me prive de tous mes automatismes dactylographiques et rend mon expression écrite pour le moins laborieuse.
Je sais que c'est ridicule vu comme ça, mais ça se rouvre à chaque pression sur le clavier et les touches deviennent poisseuses de sang séché.
Mon cerveau s'avère incapable de combler le vide laissé par ce doigt souillé; sa représentation mentale de l'emplacement des touches, habituellement infaillible, est complètement aux fraises et les fautes de frappe se multiplient. Il me faut soit garder les yeux rivés sur mes mains, soit revenir en arrière un mot sur deux pour effacer une coquille.
La simple idée qu'il me faille à présent aller jusqu'au bout de cet article, mû par la volonté indomptable de répandre mon fiel sur le réseau des réseaux, apparait soudain comme un défi surmontable certes mais dont je ne sortirai sans doute pas indemne. Si tu me voyais aligner laborieusement les mots qui composent ce pamphlet, avec l'aisance d'une caricature de gendarme qui tape sa déposition au ralenti, tu aurais sans aucun doute pitié de moi.
Mais pourquoi te bassine-je avec mes petits tracas bobologiques? Et bien parce que le couteau du jour n'est pas complètement étranger à cette situation, et le fait que j'ai soudain senti le besoin de précipiter la publication de sa critique n'est pas nécessairement une bonne nouvelle en ce qui le concerne.
Cela fait une paire de jours que j'ai reçu mon tout nouveau SOG Terminus XR. À la rechercher d'un eldorado digiludique combinant Crossbar lock et ouverture par flipper, mon attention s'était finalement arrêtée sur ce modèle à la suite d'excellents retours d'utilisateurs faisant notamment état d'une véritable renaissance pour la marque américaine.
Car si tu n'es pas sans savoir que j'ai pour ma part un jugement plutôt sévère au sujet de la marque américaine, il se trouve que j'étais loin d'être le seul et qu'à l'issue de nombreuses années de flops commerciaux et de modèles bâclés, SOG avait acquis outre-Atlantique la réputation d'un vendeur de couteaux de station-service (ce qui, si tu ignores le sens de cette expression, n'est pas du tout valorisant... mais genre vraiment pas...).
Or, grâce à une poignée de modèles particulièrement qualitatifs -dont le Terminus fait partie-, cette marque trouve depuis 2019 un second souffle et intéresse à nouveau les amateurs de tout bord. Il n'en fallait pas plus pour surmonter mon incrédulité et attiser ma curiosité...
Cette acquisition était donc pour moi l'occasion de me remettre du traumatisme "Vulcan", et de réviser mon jugement. Une d'opportunité de réconciliation sans marge d'erreur toutefois, car je suis de ces imbéciles qui ne changent que très rarement d'avis et qui, lorsque cela est susceptible de se produire, cherchent tous les prétextes pour que cela n'arrive pas. Le terminus d'avait donc qu'à bien se tenir!
Ce modèle, arrivé sur le marché pour la première fois en 2017, a depuis été décliné en de nombreuses variantes. Il faut en effet savoir que le Terminus original était un couteau sans mécanisme de verrouillage. Au lieu de cela, une sorte de slipjoint se contentait de maintenir la lame ouverte sans réellement l'immobiliser.
Je dis "une sorte de slipjoint" parce que ceci n'est manifestement pas un cran forcé à ressort traditionnel.
Une lame en acier BD1, des plaquettes en G10... question matériaux il n'y avait pas de quoi exciter son monde, mais à moins de 60€ et avec une qualité de réalisation irréprochable, ce couteau méritait vraiment le détour.
Puis en 2018, suite à l'expiration du brevet protégeant ce que l'on appelait alors l'Axis Lock, SOG dévoile son "XR Lock" au grand public. Il faut dire que le constructeur n'en était pas à son galop d'essai sur ce type de mécanisme et devait déjà avoir quelques prototypes sous le coude en attendant une occasion de dégainer.
Tout naturellement, le "Terminus" bénéficie de l'innovation et une déclinaison équipée de ce nouveau mécanisme est mise sur le marché sous l'appellation "Terminus XR", tandis que le modèle d'origine se faisait renommer "Terminus SJ" (pour "SlipJoint").
La grande fierté de SOG à l'occasion de la sortie de ce modèle, c'était d'avoir réussi à combiner de façon satisfaisante un mécanisme de type Crossbar Lock avec une modalité d'ouverture par flipper, alors même que le taulier Benchmade avait lamentablement échoué une telle tentative quelques années plus tôt avec sa série "300".
Pour le reste, les matériaux sont encore assez modestes: lame en BDZ1 (une version sensiblement améliorée du BD1) et plaquettes en G10 avec une fine lamelle de fibre de carbone généreusement sculptée; alors que le tarif, quant à lui, reste inchangé.
Dès 2019, SOG passe la seconde avec son modèle phare en laissant tomber le BDZ1 et en proposant à la place deux déclinaisons de matériaux pour le "Terminus XR": une version "bon marché" (toujours à 60€) combinant des plaquettes en G10 avec un acier D2 qui a le vent en poupe sur ce créneau...
...et une version "haut de gamme" associant pour une petite centaine d'euros une lame en S35VN aux plaquettes hybrides G10/fibre de carbone du premier modèle.
Si ce n'était la mention de l'acier sur la lame, on ne ferait pas la différence avec le modèle de 2018.
Il faudra attendre 2021 et le contrecoup de la "déferlante Bugout" pour que SOG se décide, comme pratiquement tous les acteurs majeurs du marché d'ailleurs, de proposer une version "lightweigth" de son modèle phare. Le "Terminus XR LTE" était né.
Le marquage n'est pas des plus sobres, mais au moins ils ont fait quelque chose pour le clip de poche...
Proposé à 150€, cette version conserve la lame en S35VN de son aînée, mais remplace les platines en acier inox par une structure entièrement en fibre de carbone et graphite, se positionnant sur le papier comme un concurrent direct au Bugout CF... pour la moitié du prix!
En outre, cette mise à jour profite également au Terminus XR S35VN "pas LTE" qui bénéficie désormais de série du nouveau clip (beaucoup plus sobre et élégant) dessiné pour le modèle LTE.
Le modèle que nous allons donc disséquer aujourd'hui n'est autre que cette toute dernière mouture du Terminus XR S35VN.
Agréable à de nombreux égards, il ne manque à la lame du Terminus que quelques tout petits millimètres pour devenir un modèle de polyvalence.
Longueur | 75mm |
Longueur de coupe | 70mm |
Hauteur | 25.5mm |
Épaisseur | 2.6mm |
Épaisseur derrière le fil | 0.6mm |
Angle d'émouture primaire | 3.36° |
Type d'émouture primaire | Plate |
Matériau | CPM S35VN |
Dureté* | 61 HRC |
(* Données constructeur)
En comparant cette lame avec la concurrence installée sur le créneau des "EDC" (couteaux d'usage quotidien), on ne peut s'empêcher de penser aux incontournables CIVIVI Elementum et Benchmade Bugout.
Dotée, comme ces deux modèles, d'un profil "drop-point" dont la silhouette est réhaussée par une contre émouture, on anticipe légitimement du Terminus un agrément d'usage similaire à celui de ses concurrents.
Mais si sa géométrie est effectivement adaptée à un grand nombre de scénarii, notamment grâce à un arrondi bien dosé, une pointe équilibrée et une finesse appréciable le rapprochant davantage de son compatriote américain que du rival chinois; il souffre d'une somme de choix aux conséquences maladroites.
Afin de pouvoir distribuer son couteau sur le plus grand nombre possible de territoires, SOG l'a doté d'une lame de 75 mm (2.95 pouces), ce qui le place exactement 1.2 mm en dessous du seuil d'illégalité (3 pouces) en vigueur dans une partie des États-Unis. C'est également le parti pris par CIVIVI dont l'Elementum ciblait clairement une clientèle américaine. Mais là où l'Elementum propose une ouverture par flipper uniquement et dégage sa lame de tout artifice superflu, SOG s'est senti obligé d'en faire "plus" et d'ajouter à son modèle une seconde modalité d'ouverture par le biais d'un ergot de pouce. Résultat: à longueur de lame identique, et avec même 2 mm de longueur de coupe supplémentaire, le Terminus XR voit sa longueur de lame exploitable réduite en comparaison du concurrent chinois.
Cet ergot de pouce constitue une entrave incontestable à la progression de la lame dès lors qu'on se retrouve en situation de devoir exploiter son entière longueur. Or, avec des dimensions aussi réduites, à la limite basse pour un couteau d'usage quotidien, chaque millimètre compte. Lors de mes divers essais de petite préparation culinaire (concombre, agrumes, beurre...), ce phénomène s'est fait ressentir avec une fréquence surprenante: je me suis retrouvé à de nombreuses reprises à devoir choisir entre me contenter d'une coupe partielle ou charcuter les aliments à coups d'ergots de pouce. Or, au cours des nombreux mois passés en compagnie de l'Elementum, je n'ai jamais ressenti ce type de limitation avec une telle fréquence.
De l'autre côté du ring, le Bugout est certes lui aussi muni d'un ergot de pouce mais bénéficie en contrepartie de pas moins de 7 mm de longeur de coupe supplémentaire grâce à un design baptisé "Fuck the fucking 3 fucking inches fucking limit!" (en Français, "au diable la limite des 3 pouces!"). Un choix qui a coûté à Benchmade la légalité de son modèle dans certains états, mais lui a également valu son succès planétaire. Et puis le "mini-Bugout" est rapidement arrivé pour repêcher ces états laissés pour compte, crédité de surcroit par le succès de son grand frère. Un compromis gagnant-gagnant pour tous.
Mais revenons au Terminus XR: en résumé, sa lame serait véritablement parfaite sans ses ergots de pouce (à la Elementum) ou agrandie d'une poignée de millimètres (à la Bugout). D'une épaisseur bien dosée pour son créneau d'usage, elle est servie par un angle d'émouture plutôt aigu et d'un affûtage irréprochable en sortie d'usine. C'est une trancheuse inarrêtable réalisée dans un acier véritablement premium bien que passé de mode du point de vue des "steel snobs" les plus intégristes.
Côté déco, SOG fait dans la sobriété à l'américaine avec un marquage presque minimaliste:
La marque et le modèle sont apposés sur le flanc côté droit, tandis que la nuance d'acier est précisé côté gauche, accompagnée de la mention à son traitement cryogénique et -expression d'une volonté de transparence que l'on apprécie à sa juste valeur- le pays sous-traitant dans lequel ce modèle a été réalisé.
Les flancs ont subi un traitement satiné tiré de long, tandis que l'émouture a été travaillée verticalement, ce qui crée un contraste appréciable entre ces deux surfaces.
En résumé, la lame du Terminus XR est, pour reprendre une expression de ma femme clairement sortie de son contexte: "un élément bourré de charme auquel il ne manque que quelques millimètres pour être vraiment parfait."
...ce qui ne manque pas d'ironie pour un couteau.
Longueur | 104mm |
Hauteur | 28mm |
Épaisseur | 11.7mm |
Platines | Acier inoxydable |
Plaquettes | G10 overlay fibre de carbone |
D'une conception classique (platines, plaquettes, entretoise) le manche du Terminus XR S35VN n'est pas non plus complètement dénué d'originalité. En effet, ses plaquettes en G10 sont réhaussées d'une fine couche de fibre de carbone servant d'interface entre la peau et le couteau.
Doté d'un profil relativement conventionnel, d'aucuns diraient "sans prise de risque", ce manche propose une prise en main relativement neutre permettant une multitude de positions. Tout juste assez long pour accueillir les quatre doigts d'une main "un peu plus grande que la moyenne mais pas trop non plus", son épaisseur conventionnelle permet de remplir aussi bien les phalanges que le creux de la paume sans non plus donner l'impression d'un couteau trop encombrant.
Mais si sa géométrie présente un juste équilibre, on aurait tort de se réjouir trop vite: une découpe sans concession laisse exposée un grand nombre d'arêtes vives à la limite de l'inconfortable. Les platines, pour commencer, n'ont pas reçu le moindre chanfrein et la transition entre leurs faces intérieures et latérales se fait par l'intermédiaire d'un angle droit parfois agressif pour la peau qui tente de s'engouffrer dans la gouttière ou sur le dos du manche à la faveur d'une pression substantielle.
Plus gênant encore: le chanfrein pratiqué sur le pourtour des plaquettes n'a pas subi la moindre tentative de polissage et, sans aller jusqu'à lui reprocher d'être coupant, n'épargne pas non plus la poigne de son utilisateur enthousiaste.
Le "grip" qui est résulte est certes irréprochable pour ce qui est de la rotation et des mouvements verticaux du manche, mais pour les peaux les plus fragiles, l'utilisation du Terminus XR nécessitera l'usage de gants pour rester confortable sur la durée.
En ce qui concerne le glissement longitudinal, une profonde garde empêche tout dérapage accidentel en direction du fil tandis que le pommeau arbore un subtil renflement à l'efficacité incertaine mais qui a au moins le mérite de briser la monotonie de ses lignes.
En complément, la surface en fibre de carbone arbore une suite de rainures parallèles supposées dissuader toute perte d'adhérence. On remarquera d'ailleurs que, sur mon exemplaire, les rainures sont plus profondes au toucher du côté gauche que du côté droit. Sans doute une touche de fantaisie supplémentaire...
Esthétiquement, le dessin est équilibré et la surface en fibre de carbone procure un petit plus indéniable. Les angles qui délimitent les chanfreins des plaquettes, à défaut d'être confortables, offrent un visuel très propre et l'ensemble procure une sensation de qualité renforcée par la parfaite rigidité de sa structure et un poids qui inspire la robustesse.
Seule l'entretoise en G10 est légèrement en retrait à cause d'une finition plus approximative qui tranche avec la rigueur des autres surfaces.
Pour en finir avec ce chapitre, le clip de poche -récupéré directement sur la version "LTE"- ne pose pas de problème ergonomique majeur. En tout cas rien que ne soit comparable au désagrément causé par la netteté des arêtes qui ornent ce manche de toutes parts.
Il doit cette qualité à son implantation dans l'épaisseur du pommeau, un choix qui lui permet de coller au manche sans pour autant que le tissu de la poche ne bute sur une quelconque visserie en tentant de s'y glisser. En ajoutant à cela une extrémité intelligemment aplatie afin d'éviter qu'elle ne vienne se planter dans la paume de l'utilisateur, et nous avons une combinaison réellement gagnante.
Globalement, nous sommes donc évidemment très loin du design ouvertement sadique imaginé par SOG pour son "Vulcan", mais du point de vue du confort, le Terminus XR n'en souffre pas moins de quelques maladresses de conception qui lui coûtent mon approbation sans réserve.
En décidant d'équiper son terminus d'un Crossbar Lock et d'un flipper, SOG réitère avec le Terminus XR une erreur déjà commise sur le Vulcan: essayer d'en faire trop.
L'implémentation du mécanisme en tant que tel, sous l'appellation commerciale "XR Lock", ne souffre pas du moindre reproche et émule même de façon plutôt convaincante la détente nécessaire au fonctionnement du flipper. Mieux encore: l'interface choisie par SOG, un bouton à glissière proéminent et antidérapant, s'avère à la fois plus lisible et plus agréable à l'usage que la tête d'axe nue proposée sur les implémentations concurrentes.
Ajusté à la perfection, l'axe transverse ne se "colle" pas au talon de la lame, même lorsqu'il est profondément engagé à la suite d'une ouverture vigoureuse.
Enfin, lorsque la lame est en butée de fermeture contre ce même axe, une traction sur le mécanisme a pour conséquence de l'entrouvrir. Ce comportement -complètement intentionnel- est aussi utile pour initier une ouverture par inertie ou gravité que pour amortir la fin du mouvement de fermeture. Il y a certes un "coup à prendre" à la réception de la lame, en comparaison d'un Axis Lock "traditionnel" avec lequel celle-ci vient heurter l'axe à l'issue de sa course, mais le résultat n'en est pas moins parfaitement convaincant et autrement plus bienveillant vis à vis de l'ensemble des pièces mises en jeu.
Dans un sens comme dans l'autre, les roulements à bille dont la charnière est équipée assurent une rotation parfaitement fluide et exempte de tout jeu. La lame est impeccablement centrée, y compris en position fermée. Bref, jusque là tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
En ce qui concerne la modalité d'ouverture par ergot de pouce, et bien que celui-ci soit gênant une fois la lame dépliée (comme évoqué dans le chapitre consacré à la lame), sa position et ses dimensions permettent une ouverture relativement aisée à défaut d'être idéale. La simili-détente procurée par le XR Lock rend même possible l'ouverture d'une pichenette, à la manière d'un Benchmade Bugout. Tout à fait dispensable à mon goût au regard de l'agrément procurée par l'ouverture inertielle, cette modalité de déploiement n'en est pas moins parfaitement fonctionnelle.
A ce stade, SOG aurait donc pu en rester là et proposer un mécanisme complètement abouti.
Mais c'était sans compter sur l'impétuosité de la marque américaine. Une impétuosité qui l'a poussée à vouloir prouver qu'elle pouvait faire "mieux que Benchmade" en proposant une troisième modalité d'ouverture: le flipper. Si l'idée n'est pas fondamentalement mauvaise (elle aura d'ailleurs valu à ce modèle l'illustre privilège d'attirer mon attention) et que son implémentation s'avère la plupart du temps plaisante à l'usage grâce à un effet de détente plutôt bien reproduit, une paire de défauts rédhibitoires prive ce mécanisme de ma validation finale.
Et pour commencer par le moindre de ces défauts, il est temps revenir sur le fait que les boutons servant à libérer le Crossbar Lock débordent généreusement de la surface du manche. Si ce choix est largement bénéfique lorsqu'il est question d'actionner délibérément le mécanisme, il devient en revanche problématique lorsque ces imposantes protubérances se heurtent involontairement aux doigts de l'utilisateur.
En effet, il n'est pas exclu (et cela se produit plus souvent qu'à son tour) qu'un majeur, un pouce ou les deux à la fois, positionnés trop près du bouton, bloquent par inadvertance le mouvement de recul de ce dernier, transformant ce qui devrait être une simple détente en verrouillage involontaire.
La situation étant difficilement perceptible, eu égard à l'effort dérisoire nécessaire pour immobiliser le mécanisme, un utilisateur non averti se surprendra à forcer plus que de raison sur le tenon du flipper (et parfois même, le cas échéant, sur l'ergot de pouce) sans comprendre pourquoi la lame refuse de se déplier.
Si certains utilisateurs sont habitués à une position en recul et ne tombent jamais dans le piège, d'autres se retrouvent au contraire systématiquement bloqués et s'avèrent incapable d'actionner le flipper de manière naturelle au point de devoir y renoncer.
A titre personnel, mon inconstance dans le geste rend le phénomène totalement imprévisible et conduit directement, en m'incitant à forcer sur le tenon de métal, au second écueil de cette implémentation.
Il est un principe sacro-saint que tout concepteur de couteau se doit de respecter avec la plus grande déférence:
Seule la lame doit couper
Par le passé, il m'est arrivé de reprocher à certains modèle d'avoir violé cette loi absolue. On pense notamment au Hogue X5 et à l'inénarrable Vulcan au sujet desquels j'ai rédigé des critiques pour le moins virulentes.
Mais même dans ces cas les plus extrêmes, mes propos étaient placés sous le signe de l'exagération. Bien qu'extrêmement inconfortables, les diverses protubérances de métal exposées par ces couteaux n'ont jamais été réellement affûtées, au point de traverser sans effort les couches supérieures de mon épiderme. D'une manière générale, à part sur le rebord d'un feuillard inox, je ne me suis jamais coupé le bout d'un doigt avec autre chose que le tranchant d'un outil spécifiquement conçu à cet effet...
...heureusement, le SOG Terminus XR est arrivé pour combler cette lacune!
Dans l'intention certainement louable de garantir une bonne adhérence, son constructeur a jugé digne d'affubler le tenon de son flipper d'une série de dents aux arêtes parfaitement pointues. Trop courtes pour pénétrer en profondeur dans les chairs mais juste assez longues pour traverser, avec suffisamment de pression, la peau fine... disons... de l'extrémité d'un doigt.
Une chance que l'on ne soit justement pas supposé poser l'extrémité d'un doigt à cet endroit!
La démonstration aurait aussi fonctionnée avec de la peau de gland, mais ce blog est accessible aux mineurs.
Et comme de bien entendu, mon pouce bloquant involontairement le recul du bouton de déverrouillage au cours d'un essai parmi tant d'autres, j'ai exercé par inadvertance la fameuse pression suffisante: la lame s'est alors bel et bien ouverte comme je l'espérais, tandis que l'excroissance de métal sur laquelle reposait mon doigt prélevait sur ce dernier une fine escalope de peau et de viande.
D'abord indolore en raison de son extrême netteté, la coupure ne s'est révélée à moi que quelques secondes plus tard, lorsque la goutte de sang qui s'en est échappée s'est mise à coller au manche. Le couteau nettoyé, j'entrepris de prendre une photo pour immortaliser l'événement (et pour alimenter un éventuel blog), avant d'y mettre un petit pansement, parce qu'il y a des priorités dans la vie.
Alors non, je n'ai pas souffert. Ce petit bobo de rien du tout est bien sûr sans importance et je n'en aurais pas fait un cas s'il m'avait été infligé par le côté tranchant de la lame.
Ce que je regrette, c'est de constater que SOG, malgré ses nombreuses promesses, n'a toujours pas renoncé à ses mauvaises habitudes et crée encore des couteaux dont les éléments a priori les plus anodins sont susceptibles de se retourner contre leur utilisateur.
Évidemment, la solution est simple: un rapide passage au backstand et je n'aurai plus rien à craindre de ces dents de la mort. Je pourrai alors renouer avec le plaisir de manipuler mon zoli couto en toute insouciance...
Mais quand même, c'est vraiment dommage que ça soit à moi de corriger un défaut qui n'aurait jamais du franchir le contrôle qualité. Un défaut d'autant plus inacceptable que je suis loin d'être le seul à avoir vécu cette expérience insolite et que les témoignages d'utilisateurs qui se sont écorchés plus ou moins profondément la pointe du doigt avec le flipper de leur Terminus XR sont récurrents sur la toile.
Ce constat tend à démontrer que mon exemplaire n'est pas un cas isolé et que ce modèle souffre bel et bien d'un défaut de conception qui le prive à mes yeux définitivement du statut d'eldorado digiludique.
En d'autres circonstances, j'aurais haussé les épaules et lancé un "la prochaine fois, peut-être?", mais pour SOG, c'était la deuxième et dernière chance de me convaincre. Il n'y aura pas de prochaine fois.
Alors qu'on se gargarise d'avoir vu disparaître sur la dernière génération de "Terminus XR S35VN" le clip quasi-publicitaire dont étaient affublés ses prédécesseurs, on tend à oublier que son nouveau clip n'est pas non plus complètement dingue. Moins tape à l'œil, certes, mais somme toute assez quelconque.
Pour accrocher les 95g de ce couteau "petit mais massif" au rebord de la poche, SOG nous propose en effet une languette de métal relativement banale qui présente toutefois l'avantage d'être fixée au cul du couteau et donc de proposer un port réellement profond de chez profond.
Pointe en haut et réversible droitier/gaucher, ce clip offre un excellent maintien et on ne craint pas de voir son Terminus sauter hors de la poche à l'issue d'une course impromptue derrière ce bus qui a eu le bon goût d'arriver (et de repartir) avec trois minutes d'avance. Le tour de force de SOG en la matière est d'avoir obtenu ce résultat sans pour cela utiliser une texture inutilement abrasive sur la surface du manche, prolongeant ainsi la durée de vie des coutures qui lui en savent gré.
Le terminus XR, en revanche, est un véritable cerbère des poches, dont il garde jalousement l'entrée armé de ses arêtes vives et de son flipper affûté. Le propriétaire de ce modèle ne doit jamais oublier à qui il a à faire sous peine d'une cuisante leçon.
D'un point de vue mondain, et si ses dimensions modestes jouent plutôt en sa faveur, ce couteau ne bénéficie pas d'une ligne que l'on pourrait qualifiée de "douce" et ses différentes modalités d'ouverture ne sont pas de nature à apaiser les esprits. Il s'agit donc d'un modèle qu'il faut sortir de la poche avec parcimonie lorsque l'on est en présence de mécréants.
Proposé à tout juste moins de 100€ (chez les revendeurs honnêtes) dans sa version "premium" et sous la barre des 60€ pour la déclinaison "budget" en acier D2, le Terminus XR se permet de venir chatouiller la domination chinoise des modèles qualitatifs positionnés sur ces gammes tarifaires.
Aux défauts de conception près (arêtes saillantes sur les platines, les chanfreins et flipper coupant), le couteau est globalement bien fini: les surfaces sont propres, les ajustements réalisés avec précision et les finitions largement à la hauteur de ce tarif.
Il est donc clair que le Terminus XR constitue sur le papier une alternative très intéressantes aux modèles asiatiques et/ou très abordables aux références américaines... Moyennant un petit peu d'huile de coude et quelques retouches destinées à gommer les défauts évidents de ce modèle.
Et si l'on pousse le budget jusqu'à 150€ pour aller chercher la version "LTE", on se retrouve même avec un modèle qui se compare du point de vue des matériaux et du mécanisme au Bugout CF qui coûte deux fois plus cher. La polyvalence de sa lame n'est certes pas la même mais il y a néanmoins une piste intéressante à creuser pour qui n'a pas besoin de plus de 7 cm de tranchant.
Si mon opinion sur le Terminus XR n'est pas plus négative que ça: je le considère en somme comme un couteau qui avait un excellent potentiel mais que son fabricant a loupé de peu par faute d'attention; elle ne fait hélas que confirmer mon sentiment initial qu'il manque à la marque SOG une touche de professionnalisme pour mériter mon estime.
Plutôt qu'une rédemption, le Terminus XR est à mon avis pour cette marque (et pour citer le titre d'un vieux film d'auteur) "un nouvel espoir"... Mais en l'occurrence ici, un nouvel espoir déçu. D'autant plus déçu que j'avais certainement nourri un degré d'exigence irréaliste à l'égard de ce modèle, attisé par les éloges qui lui sont faites par ailleurs.
Quoi qu'il en soit, à défaut de laver l'honneur de la marque, le Terminus XR reste un couteau sympathique et abordable, que je recommande à tout amateur équipé d'un abrasif fin et prêt à en faire usage. Car nul doute qu'après avoir réglé ce foutu souci de flipper et peut être même cassé quelques arêtes, j'aurai réellement plaisir à l'utiliser de façon régulière. Un plaisir que j'anticipe d'autant plus que, ne nourrissant pour l'instant aucun affect particulier à son égard, je sais d'ores et déjà que je n'aurai aucune arrière pensée à lui en foutre plein la tronche.
Alors on se retrouve ici dans quelques mois peut-être? Pour une mise à jour?
D'ici là, passe une bonne journée et à la prochaine.