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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

Kernico "KNP1": émouturage!

(Dans l'épisode précédent, un mec avec un couteau s'est lancé dans la réalisation de son tout premier pliant. Après avoir fait de la merde et foutu en l'air son premier manche, il s'est aussi arrangé pour flinguer sa lame en perçant un trou là où il ne fallait pas. Instruit par cette cuisante expérience, il réussit finalement à assembler son mécanisme -pourtant rudimentaire, limite primitif- à la deuxième tentative. Il ne lui reste plus qu'a attaquer les finitions...)

Retour en terrain connu

C'est mardi.

Au regard des progrès accomplis, ma prochaine tâche consiste à réaliser une vraie lame à partir de l'ébauche mécanique précédemment validée.

Souviens toi, c'est celle de droite!

Souviens toi, c'est celle de droite!

Après un rapide nettoyage des surfaces au backstand et au grain 40, je commence à former mon émouture accompagnée de sa fameuse entablure à 45° avec une bande de 80 toute neuve.

Dès le départ, l'opération s'avère délicate car, contrairement à mes lames fixes, je n'ai ici aucune plate semelle sur laquelle compter pour maintenir les divers angles de ma lame: entablure ET émouture.

Pinçant maladroitement le trou de charnière entre les doigts crispés de ma main droite, je démarre la première émouture en posant mon pouce gauche au milieu du flanc libre afin de:

  1. doser la pression contre l'abrasif,
  2. ajuster l'angle de l'émouture,
  3. sentir la température du métal.

Mais mon pouce glisse sur la lame bientôt trempée par ses passages répétés dans le bac de refroidissement et j'ai bien du mal à tenir les 45° prévus pour l'entablure tandis que ma main droite commence à devenir douloureuse en raison de la pression qu'elle doit maintenir pour compenser les glissades de mon pouce gauche.

Heureusement, je trouve rapidement une solution pour pallier à ces problèmes, en m'aidant notamment de la lentille pour avoir une meilleure prise à droite, et en faisant glisser mon pouce gauche pratiquement jusque sous le dos de la lame pour mieux compenser le frottement contre la bande.

Petit à petit, et en gardant la main légère, je fais remonter l'ébauche d'émouture jusqu'à obtenir une surface bien plane que je peux désormais sentir se caler contre la bande à chaque nouvelle approche. Sauf grosse connerie de ma part, le plus délicat est derrière moi.

A partir de là, ça n'est plus qu'une question de patience.

A partir de là, ça n'est plus qu'une question de patience.

Satisfait par cette première victoire, je décide d'en rester là pour aujourd'hui et de passer la prochaine nuit à me ronger les sangs en imaginant toutes les façons dont je pourrais foutre ce résultat prometteur en l'air.

Le match retour

C'est mercredi.

Ça fait 24h que je recule lamentablement l'échéance, de peur de gâcher cet état de grâce dans lequel je n'ai pas encore merdé. Mais il me faudra bien affronter la réalité si je veux voir ce projet aboutir. La journée de travail se termine et il est donc temps de descendre à l'atelier.

Il ne me faut que quelques minutes pour retrouver la position et les gestes de la veille, puis une bonne heure pour finaliser avec patience cette fichue émouture.

La ligne d'émouture a remonté un poil plus haut que prévu mais c'est pas plus mal comme ça.

La ligne d'émouture a remonté un poil plus haut que prévu mais c'est pas plus mal comme ça.

Aidé de mon pied à coulisse, je vérifie l'épaisseur de mon futur fil: on est dans les clous. Visuellement le résultat me plait même s'il n'est pas parfaitement identique à ce que j'avais imaginé. Bref tout est sous contrôle.

J'observe une dernière fois la position précise de chacun de mes doigts afin de reproduire la posture exactement symétrique, puis j'attaque l'autre face. Cette fois, c'est le pouce droit qui guide et tient le dos de la lame et mon côté dextre s'en sort avec plus d'aisance que son homologue sinistre. Trois quarts d'heure plus tard, me voilà avec une seconde émouture, pratiquement similaire à la première.

Pour l'aspect visuel "brillant", ce n'est qu'une question d'éclairage.

Pour l'aspect visuel "brillant", ce n'est qu'une question d'éclairage.

Je prend un peu de temps pour nettoyer le résultat au grain presque fin (180) et je remise le tout pour aller diner.

Silence, ça trempe

C'est jeudi.

De retour au garage après avoir souhaité une bonne soirée aux collègues, je nettoie mes émoutures au grain 400, je peaufine ma ligne d'émouture et je fais en sorte d'avoir un minimum de retouches à faire en sortie de trempe, même si je sais déjà qu'un très léger voilage pourra nécessiter d'aplanir à nouveau quelques surfaces pour qu'elles soient parfaites.

Sans prendre le temps de faire des photos, j'allume le four et je prépare ma papillote.

Pour le coup, ça fait vachement moins de papier inox quand on n'a pas de semelle à emballer.

Pour le coup, ça fait vachement moins de papier inox quand on n'a pas de semelle à emballer.

Puis, quand le four est chaud et bien stabilisé, j'enfourne.

Encore une fois, étant seul, il n'y aura pas de photo "en action".

Encore une fois, étant seul, il n'y aura pas de photo "en action".

A peine 15° de déperdition à l'issue de la manœuvre, les briques en céramique restituent la chaleur tellement vite que je n'ai même pas besoin d'ajuster le temps de maintien à chaud. Aussi, lorsque ma minuterie sonne, six minutes plus tard, je trempe sans autre forme de procès.

Puis, la lame revenue à température ambiante, je déballe mon paquet cadeau pour constater les dégâts.

Ni-kheul.

Ni-kheul.

Ma lame est impeccable, pas le moindre voilage (contrairement à lors de mon expérience de trempe sur du 2mm). Tout au plus un peu d'huile est-elle venue brûler contre le métal à la faveur d'un éclatement du feuillard lors de son refroidissement.

Satisfait par cet épisode, je place la lame au congélo avant de rejoindre ma famille pour le diner.

On se détend

C'est vendredi.

A peine réveillé, je rallume le four. Avec la nuit entière pour refroidir, il est enfin de retour à température ambiante. Mais comme ses résistances sont trop enthousiastes, je sais qu'il lui faudra un moment pour se stabiliser à 175° après être monté à plus de 250° par effet d'inertie.

De retour d'avoir déposé les gosses à l'école, la température semble avoir cessé de s'affoler. Je sors la lame du congélo et enfourne pour deux heures de revenu.

Un peu avant midi, je sors l'objet du crime avant de filer pour un resto entre collègues. Le resto sera suffisamment arrosé pour que je n'éprouve pas l'envie de faire une connerie avec le backstand en fin de journée.

Allez, au ménache!

C'est samedi.

Frais et dispo à nouveau, j'entreprends de passer au nettoyage final et tant qu'à faire à réaliser un joli satiné sur ma création.

De peur d'aller trop vite, je m'obstine avec une bande de 600 usagée pendant plusieurs heures sans réussir à obtenir un résultat satisfaisant. Plus je m'approche du miroir et plus les défauts de planitude se font visibles. Force est de constater que la trempe a subtilement modifié la géométrie de mes émoutures.

Je corrige tout ça à la 180 avec beaucoup de légèreté, puis me fend d'une bande de 400 neuve, suivi d'une bande de 600 neuve. Le résultat est sans appel: ça a presque de la gueule! Ma ligne d'émouture a encore légèrement reculée mais le résultat en valait la peine.

Avant même de passer à l'affûtage, mon émouture est tellement fine que par endroits elle ne dépasse pas les 0.2mm. L'affûtage va être très rapide et pour l'occasion je déballe le worksharp que je règle sur un petit 21°. Je dois insister un poil plus à la base et à la pointe de la lame, qui ont conservé plus de gras que la partie centrale, mais le résultat est ra-zoir.

Tellement coupant que j'ai tranché l'objectif en prenant la photo.

Tellement coupant que j'ai tranché l'objectif en prenant la photo.

J'ai encore un peu de temps, alors je bricole avec une pince et quelques outils rudimentaires une petite goupille dans l'extrémité d'un rivet. 

Sans dec', je suis à fond là!

Sans dec', je suis à fond là!

C'est pas ultra propre mais ça fera le taf pour mon verrouillage primitif.

Et comme il n'est pas encore midi, j'entreprends de polir mes plaquettes avant de les envoyer à la marinade dans mon sempiternel mélange d'huile de lin et d'essence de térébenthine. Le tout en oubliant évidemment de faire des photos.

En attendant de pouvoir procéder à l'assemblage final, je range la vis de pommeau dans ma boite à quincaillerie: à sa place, un tube inox de 5mm de diamètre trouvé chez Jeff Bezos viendra servir à la fois de rivet et de passe-lacet... A condition que j'arrive à le mater sans tout foutre en l'air!

Mais pour avoir la réponse à cette question, il faudra patienter encore quelques jours.

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E
C'est vraiment super de suivre les étapes de la construction comme ça !
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