19 Janvier 2023
(Dans l'épisode précédent, un mec avec un couteau était sur le point de terminer son premier pilant, il ne lui restait plus qu'à assembler le manche parti en marinade et trouver une solution pour fixer le pommeau...)
Mes tubes inox sont arrivés depuis lundi matin. J'ai potassé tout ce que j'ai trouvé sur le rivetage avec des tubes et recueilli les conseils des copains qui ont eu le bon goût de faire leurs propres conneries avant moi. Je suis aussi passé chez brico-merlin pour trouver un marteau boule et un cône destinée à évaser l'entrée du tube, mais sans succès...
Bref, on est mercredi soir, je suis fin prêt!
En attendant que mon manche sèche (je l'ai tout juste sorti de la marinade), je m'entraîne sur un petit bout de tube coupé pour l'occasion. A l'aide d'un chasse-goupille très légèrement conique, et dont le diamètre correspond tout juste à celui de mon tube, j'amorce un début d'évasement.
L'opération se passe presque bien si ce n'est que je réussis à coincer mon chasse-goupille à mort en tapant un coup de trop. Il me faut passer à l'étau pour réussir à récupérer mon outil. Le tube est dans une sale état et je me réjouis de ne pas avoir tenté la manœuvre directement sur le manche final.
Si la technique du chasse-goupille s'annonce prometteuse pour initier un évasement, elle se heurte à deux limites liée à l'angle trop aigu formé par son cône:
Il me faut donc définitivement un cône plus obtus, et si possible qui s'évase progressivement pour accompagner le mouvement de l'ourlet que j'espère créer sur mon tube/rivet. Je vide tous les tiroirs de mon armoire à quincaillerie avant de me frapper le front du plat de la main: "Bon sang, mais c'est bien sûr!".
J'avais la solution sous les yeux dès le départ.
Une simple tête de vis fraisée... Ou plutôt deux, histoire de travailler de façon symétrique. C'est tout ce qu'il me fallait pour créer la forme dont j'avais besoin.
Mon tube coincé entre les deux têtes de vis, je compresse doucement l'ensemble avec de légers coups de marteau en priant pour que le tube lui même ne se mette pas à couder et... GREAT SUCCESS!
Au regard du temps consacré à agrandir l'entrée de mon tube d'un demi millimètre, j'estime qu'il me sera impossible de remplir -dans un délai raisonnable- tout le chanfrein que j'avais réalisé dans le manche afin d'accueillir la tête de ma visserie d'origine.
Pour parer à la situation, je pars sur une paire de rondelles qui serviront d'une part à remplir et habiller ce chanfrein, et d'autre part à étrangler le tube inox pour l'empêcher de gonfler à l'intérieur du manche et de faire éclater ce dernier. Je n'ai évidemment pas le bon modèle alors j'improvise avec ce qui me tombe sous la main et un petit coup de Dremel.
Tout est fin prêt pour la dernière ligne droite, y compris le diner. Je pose mes outils et retourne accomplir mon devoir de père de famille.
Nous sommes jeudi midi, l'heure de la pause déjeuner. L'heure de redescendre au garage pour finaliser le chantier laissé en plan hier soir.
Le manche est complètement sec, je ne peux plus reculer.
Je coupe un nouveau tube à ce que je pense être la bonne longueur (c'est à dire: beaucoup trop long) et j'assemble les pièces de mon puzzle. Le tube dans le pommeau, une rondelle de chaque côté, une tête de vis à chaque extrémité, et je commence à tapoter.
Hélas, j'ai beaucoup trop de matière en dehors du manche et l'évasement se forme tellement loin de ce dernier que les rondelles se baladent de plusieurs millimètres. A plusieurs reprise, je coupe, je refait un nouvel évasement, je re-coupe...
Le chasse-goupille se révèle soudain d'une incroyable utilité car il me permet justement d'évaser le tube en profondeur et donc d'aller caler les rondelles au plus profond de leur chanfrein tout en serrant le manche comme il faut. Et comme les rondelles sont là pour empêcher le bois d'éclater, tout se passe à merveille.
Une fois la position des rondelles bien verrouillée, je peux araser mon tube une dernière fois à la Dremel avant de reprendre le travail au marteau et en utilisant mes têtes de vis. Le résultat, s'il n'est pas parfait, est au delà de mes modestes espérances.
Cette formalité réglée, je finalise l'assemblage en montant la lame sur son axe et en fixant la goupille à l'ensemble à l'aide d'une corde très fine mais solide (le genre qu'on utilise pour les cerfs-volants de traction).
Mon couteau est terminé, c'est enfin l'heure de faire les photos souvenir (avec les traces de doigts kivonbien) <3
Excité comme un gosse le soir de Noël, je mets le couteau dans ma poche pour constater qu'il est agréablement léger grâce à sa conception "tout en bois". Un rapide passage sur la balance: 78g!!! Pour plus de 9cm de tranchant, c'est pas complètement ridicule.
Face à ce succès retentissant, mon prochain objectif est d'ores et déjà fixé: un framelock titane à lame damas... Ou pas.
Si tu es un habitué des pages de ce blog, tu n'est pas sans savoir que j'ai réalisé des couteaux pour tous les membres de ma famille, comme en témoigne cet article et celui-là...
Tous? Non! En Armorique, un petit rascal de bientôt 4 ans réclamait encore et toujours son couteau à l'envahisseur! Or, en me voyant travailler presque quotidiennement à l'atelier, sa demande se fit plus pressante au cours des derniers jours.
"Papah, kantèsque tu me fabrique un couteau pour moi? C'est bientôt mon zanniversaire. Je vais avoir 4 ans tu sais?" Comme si je n'étais pas au courant... Il a commencé à en parler à la seconde où il a terminé de déballer son dernier cadeau de Noël!
Enfin bref, sous la pression, j'estime opportun de récupérer un morceau d'acier qui traînait pas là (genre... la lame ratée de ma première tentative) et de tracer dedans un couteau à beurre à sa taille.
Quelques minutes au backstand et un rapide passage à la perceuse à colonne plus tard, j'ai un gabarit prêt pour la trempe.
La trempe est réalisée le mercredi soir pour un revenu jeudi matin après une nuit au congélo. Jeudi midi, une fois mon couteau pliant terminé, je découpe des mini-plaquettes dans un morceau de bouleau madré qui trainait par là (genre... le manche raté de ma première tentative) et les fixe avec deux simples rivets matés: c'est que je commence à avoir le coup de main!
Le temps de polir le tout à l'abrasif fin et de frotter le bois à l'huile de lin (comme il est déjà stabilisé, il est inutile de le faire mariner) et le cadeau de ma terreur des bacs à sable est prêt juste à temps pour sa soirée d'anniversaire!
10 cm de la pointe au pommeau, à peine trois centimètres de lame affûtée-mais-pas-trop, voici venir le "KNF".
Et pour se faire une idée du point auquel il est tout rikiki, le voici en compagnie de son ainé.
En espérant que ce cadeau réalisé complètement à l'arrache satisfera les revendications de mon mini tyran domestique...