19 Mars 2022
Jeudi midi.
Je loose dans le garage en essayant vainement de nettoyer la soie de ma lame, brute de laminage et profondément marquée de multiples rayures. Franchement, avec un backstand ça serait l'affaire de quelques minutes... Mais bon, le suivi de livraison indique que ma palette en provenance de chez Pawel (www.beltgrinders.pl) zone encore et toujours quelque part derrière la frontière polonaise.
Mon attention est soudain attirée par un semi-remorque qui stationne juste devant mon portail. Avant même que le conducteur n'ait eu le temps de couper le contact, j'ouvre la susdite barrière et file à sa rencontre:
"Une livraison pour vous, monsieur Leroux. Dit-il en me donnant le bordereau.
- Et bien ça c'est une surprise... Une bonne surprise mais une surprise quand même. J'avoue que je ne vous attendais pas aujourd'hui. Une chance que j'aie été chez moi.
- Ouais, j'aurais du vous appeler avant d'arriver mais ils ne m'ont pas donné votre numéro de téléphone.
- Vous voulez parler du numéro qui est écrit là? Réponds-je en lui rendant le bordereau sus-cité.
- Oui, non, j'en sais rien. Bon, je mets ça où? Conclut-il en faisant descendre son tire-palette sur le hayon du camion".
Quelques minutes plus tard, me voilà avec un chargement aussi inattendu qu'espéré posé devant mon garage.
Après m'être assuré que le contenu des cartons était en bon état et avoir raccompagné le livreur, je me pose pour analyser la situation.
"Putain merde, ousque je vais bien pouvoir caser tout ce bordel!"
Pour le coup, je n'avais pas du tout anticipé l'arrivée d'une palette et mon garage est tout sauf rangé. Il n'est pas non plus question de tout laisser en bazar dehors. Même si pour l'instant il fait grand soleil, dans la région le temps est capricieux.
Allez hop, on monte quelques planches de surf au grenier! De toutes façons j'utilise toujours les deux mêmes. On donne quelques coups de scie dans le râtelier qui me servait à ranger les autres et une paire d'heures plus tard, voilà mon nouvel atelier mobile tout bien installé.
Backstand et four de trempe sont opérationnels, j'ai mes contenants pour l'huile de trempe, des tenailles et des gants pour manipuler mes lames, il ne me manque qu'un support que je vais tailler dans une brique réfractaire et je serai prêt pour continuer mon projet.
Pour inaugurer le backstand, je décide de nettoyer les flancs de ma soie au grain 120, histoire de me débarrasser des plus grosses rayures.
La machine ronronne comme un gros matou, la bande défile à 20 mètres par seconde. Fébrile, j'approche ma soie du support et plaque la soie bien à plat... GREAT SUCCESS, une bande de 5cm de métal se trouve nettoyée en quelques secondes comme si j'avais passé plusieurs heures à la poncer.
Enhardi par ce premier succès, je recommence l'opération en faisant glisser cette fois le flanc de ma lame contre la bande abrasive. Mon geste achevé, je jette un rapide coupe d'œil pour voir le résultat...
Ma lame n'était pas bien à plat, et ma main a tremblé... La bande abrasive a littéralement mangé l'émouture dont j'étais si fier et ma lame donne l'impression d'avoir été usinée par un lapin épileptique armé d'une disqueuse:
Et tant que j'y suis à foutre en l'air quelques dizaines d'heure de taf, je tente de reformer une ligne d'émouture au backstand et à main levée... Mais chaque seconde passée à tenter de réparer mon erreur aggrave encore la situation. Bientôt ma belle entablure bien nette ressemble à une embavure et mon ricasso prend des airs de fricassé:
Rapidement, un seul constat s'impose: il est temps de revenir aux bonnes vieilles méthodes.
Un dernier passage au back pour nettoyer ce foutu flanc une bonne fois pour toutes et je réinstalle bientôt mon guide d'angle et ma lime pour recommencer à faire ce que je sais faire de mieux: des va-et-vient avec le poignet.
Je trace à coups de feutre ma "nouvelle" émouture, qui doit englober toute la surface sabotée par le backstand. Il y a pas mal de boulot en perspective mais je sais exactement comment je vais m'y prendre...
Samedi midi.
Ça fait deux jours que je lime et que je polis dès que j'ai une minute de libre. Sur la pause du midi comme le soir après avoir couché les gosses. J'ai enlevé pas mal de matière et mon futur fil a reculé de plusieurs millimètres. J'ai même dû passer le tranchant au backstand pour épaissir le fil à 0.4mm en prévision du traitement thermique.
Mais mes efforts ont été payants et je trouve objectivement le résultat encore mieux qu'avant! Surtout que cette fois les flancs sont propres, habillés d'un joli satiné tiré de long au grain 280, tandis que mon émouture est véritablement miroir.
Voilà, ma lame est prête pour la trempe cette fois. Je n'ai plus qu'à lui préparer un joli support, lire le manuel utilisateur de mon four (qui a le bon goût d'être rédigé en polonais) et roule ma poule.
En espérant ne pas tout foutre en l'air (une fois de plus) lors de cette étape qui est complètement nouvelle pour moi, je profite pour quelques derniers instants de la satisfaction d'un travail bien fait.