Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs
8 Mars 2022
Mardi.
Maintenant que j'ai une vague idée de la façon dont il faut s'y prendre pour coudre du cuir et que les fournitures que j'attendais sont arrivées, il est enfin temps de m'attaquer à ce fameux étui en cuir pour emporter ma première création partout avec moi!
Au cours des semaines précédentes, j'avais fait quelques prototypes papier pour valider la faisabilité du concept. Mais avec le recul, je ne suis pas complètement convaincu par mon système de fixation en "H" supposé permettre aussi bien le port vertical qu'horizontal. Aussi, avant de me lancer, je fais un dernier petit tour sur l'Internet pour chercher des inspirations.
Premier point: je laisse tomber l'idée d'un étui plié: les limitations géométriques imposées par cette approche ne me permettent aucune solution satisfaisante avec port horizontal et verrouillage. Aussi je passe à un concept "tout cousu" me permettant de superposer les couches et de complexifier l'assemblage à loisir.
En outre, cette approche me permet d'intercaler une épaisseur de cuir entre le fourreau et l'attache de ceinture, de sorte à bien intégrer l'épaisseur des plaquettes sans avoir à plier le cuir.
Par contre, le montage promet d'être coton avec pas moins de 7 épaisseurs de cuir à l'endroit le plus épais! A 3mm la couche, ça me fait un étui de plus de 2,1cm d'épaisseur... Hmm, c'est un peu "too much".
Je révise la copie avec une version où les passants de ceinture sont de simples fentes, et j'en profite pour incliner le couteau à 45°. Tant pis pour l'option "port vertical": installé sur ma gauche, le couteau sera en position idéale pour un dégainage facile de la main droite.
J'intègre un petit décrochage en biais à l'intérêt purement esthétique et profite de la surface du support pour positionner le bouton pression à l'extérieur du manche, évitant ainsi à ce dernier d'aller frotter sur les plaquettes lorsque le couteau y sera rangé.
Après avoir découpé chaque pièce dans du papier et rapporté mes éléments sur la feuille de cuir, je procède au découpage et à l'assemblage. Cette fois, je ne prends aucun risque: de la colle contact me permet de solidariser les pièces avant perçage et d'obtenir des trous bien traversants. L'opération se passe d'autant mieux qu'en l'absence de pli, chaque pièce de cuir repose à plat sur la précédente et n'essaie pas de se faire la malle comme lors de ma précédente tentative.
Pour le passant, je laisse la croûte côté pantalon et la fleur côté couteau. Esthétiquement le résultat n'est pas idéal, mais d'un point de vue pratique, cela me permet de faire glisser le manche contre la partie la plus douce du cuir.
Pour la couture enfin, après avoir en convenablement marqué les lignes au tournevis plat et au marteau, je la réalise en trois étapes: intérieur du fourreau contre passant (et intercalaire), extérieur du fourreau contre intérieur du fourreau (et martyr), et enfin une dernière rangée de point à l'unique endroit où la couture du fourreau se superpose au passant sur cinq couches d'épaisseur.
Pour le bouton pression, je galère un max: les modèles dont je dispose sont prévus pour montage sur du cuir de 2.5mm d'épaisseur max. Après en avoir foiré une paire sans succès, j'entreprends de marteler le cuir pour en réduire l'épaisseur et réussis enfin à riveter ma fixation au troisième essai.
Avant de polir les contours et de traiter mon cuir à la cire d'abeille, je vérifie le bon fonctionnement de l'ensemble grâce à mon couteau temporairement habillé de ses plaquettes en G10 (les autres étant toujours dans la marinade):
Tout fonctionne. L'étui est même tellement ajusté serré sur la lame que la fixation joue objectivement un rôle purement décoratif. Mon principal regret étant que j'ai mal anticipé la quantité de cuir disponible par plaque et que j'ai donc dû travailler avec deux plaques de teintes différentes, d'où le contraste entre le flanc du fourreau et la sangle de fixation. Mais je ne doute pas que tout cela s'estompera lors du traitement final (on a le droit de rêver, hein).
Pour la finition, j'utilise les techniques certifiées 100% clodo de l'ami El Lapsa: ponçage des angles au grain 120, badigeonnage de cire fondue et frottage "avec un truc dur".
Sur les conseils d'un membre du forum, je renonce à faire fondre ma cire à même la gazinière pour tenter l'opération au sèche cheveux. Mais comme je n'ai pas de sèche cheveux, j'y vais au décapeur thermique: le même dont je me sers pour allumer le barbecue (braises garanties en 5 minutes chrono!).
Faisant d'abord fondre la cire à la flamme pour la faire couler sur l'étui, puis chauffer l'étui au décapeur pour qu'elle imprègne bien, je constate rapidement un important changement de couleur: je suis littéralement en train de cuire mon cuir! Changement de plan: je fais désormais fondre la cire directement au décapeur et la laisse couler en quantité généreuse sur le cuir que j'évite de faire chauffer davantage.
Un dernier petit coup d'air chaud sur l'étui pour faire fondre et couler l'excédent de cire et mon traitement semble accompli. Si la face "avant" de l'étui ne présente pas trop mal en dépit d'une fleur un peu "toastée", j'ose à peine montrer la face arrière, à la limite du brûlé:
Mais, comme je le disais, pour la face avant qui était déjà plus claire à la base, le résultat reste de l'ordre de l'acceptable. Bon, j'ai évidemment encore pas mal de progrès à faire mais pour un deuxième étui réalisé sans la moindre expérience préalable dans le travail du cuir, ça aurait pu être pire.
Il n'y a plus qu'à attendre demain pour sortir mes plaquettes de leur bain magique, les remonter en priant pour qu'elles ne soient pas toutes gonflées et gondolées, attendre quelques semaines de plus qu'elles sèchent bien et le couteau sera fin prêt pour affronter le monde extérieur!