7 Février 2022
Mercredi 2 février. Voilà neuf jours que ma première création a mis les voiles pour aller se faire bronzer la raie dans le sud. Je n'ai aucune nouvelle, même pas une carte postale, et je commence à sérieusement ronger mon frein. Une chose est certaine: la prochaine fois que l'envie me prend de me fabriquer un couteau, ce sera en totale autonomie. Parce que le coup du sous-traitant qui ne fait pas particulièrement d'efforts pour me tenir informé de la progression de ma commande, c'est une situation à faire un ulcère.
Depuis le début de la semaine j'anticipe le retour de ma lame en imaginant diverses façons de travailler sur le manche, en préparant de nouvelles plaquettes à partir de mes carrelets d'olivier les plus secs. Bref, je m'occupe l'esprit et les mains comme je peux.
Il y a aussi ce forum sympathique sur lequel je me suis inscrit le mois dernier. J'y ai fait quelques agréables rencontres et de belles découvertes. En attendant de partager un verre avec certains de ses membres, je m'instruis de leurs échanges virtuels et me laisse emporter par leur passion et leur sens du partage.
Mais malgré les propositions faites de m'épauler dans mes futurs projets et l'envie d'apprendre au contact de personnes plus expérimentées, l'idée de m'équiper sérieusement pour être autonome dans la suite de cette aventure me revient de plus en plus souvent à l'esprit. Je multiplie les marque-pages dans mon navigateur vers différents fournisseurs. Four de trempe, backstand. Il faudrait "juste" que je trouve une solution pour financer l'investissement que cela représente... et la place pour entreposer ce matériel.
Jeudi 3 février. En faisant un brin de ménage dans mon salon, je me retrouve à dépoussiérer mon babyfoot: un véritable Bonzini B60, une pièce de toute beauté achetée neuve et qui vaut un petit paquet de sous. Face au constat que ce jouet de luxe ne m'a manifestement pas servi depuis quelques années, faute de partenaires de jeu susceptibles d'apprécier le fait que c'est toujours moi qui gagne, j'envisage soudain l'objet sous un autre aspect...
Samedi 5 février 16h49. Après quelques jours de réflexion, l'annonce est publiée. Je ne me fais pas trop d'illusions sur le succès de ma tentative mais je me dis qu'après tout, j'aurais tort de ne pas tenter ma chance.
Contre toute attente, les offres d'achat déferlent dans les minutes qui suivent la mise en ligne et, dès le lendemain matin, je choisis un acheteur avec qui traiter. Un rendez-vous est pris et je me séparerai de ce meuble encombrant mardi prochain en échange d'une coquette somme grâce à laquelle je vais pouvoir passer la seconde.
Motivé par cette éventualité, je me jette sur ma table à dessin pour préparer mon prochain projet.
Puisque mon atelier va vraisemblablement bientôt s'étoffer, j'ai besoin d'un prétexte pour faire tourner mon futur équipement. Or, les idées se bousculent au portillon.
Toujours tourné vers un fixe à plate semelle (seule construction que mes compétences actuelles me permettent d'envisager sereinement), je songe déjà à un modèle davantage orienté bricolage/extérieur. Mon projet en cours étant très focalisé "plaisance et saucisson" avec son profil pied de mouton et son tranchant tendu et délibérément bas, je l'imagine assez complémentaire d'une lame plus traditionnelle, munie d'un bel arrondi, d'une pointe haute et d'un manche plus évasé au pommeau permettant une prise en recul et quelques timides coupes à la volée.
Oui, je sais, c'est la même image qu'en début d'article... Mais bon, quand on a pas de sous pour acheter de la pellicule!
Rompu à l'exercice de la sculpture sur contreplaqué, il ne me faut guère plus d'une demi heure pour faire émerger le premier prototype d'une chute de bois. La prise en main n'est pas si mal mais je trouve que l'angle entre la lame et le manche est encore trop fermé.
En m'aidant de la transparence du papier, je décalque mon modèle original en faisant légèrement pivoter la feuille après avoir recopié la lame et avant de commencer le manche. J'élargis également encore le pommeau, constatant que l'ouverture de mon angle manche/lame me laisse aussi davantage de marge de manœuvre sur la bande de 4cm qui me sert de contrainte.
Plutôt satisfait du résultat, je retourne au garage pour le proto en bois. Il me faut trois quarts d'heure pour celui-là car je fignole vraiment les arrondis afin d'avoir le résultat le plus proche possible (à l'épaisseur près) du concept final. Je travaille tout particulièrement sur l'encoche supposée accueillir l'index afin de la rendre assez large pour ne pas devenir une contrainte (même avec des gants), ainsi que sur le décrochage au niveau du pouce qui ne doit pas non plus s'avérer douloureux à l'usage.
Pour une prise reculée confortable et solide, j'ai laissé un maximum de matière au pommeau, et prévois d'ores et déjà d'intégrer une épaisseur conséquente sur le modèle final. Mais même dans cet état, le cône formé par cette silhouette évite au couteau de me glisser de la main lorsque je l'agite comme un sourd.
Enfin, d'un point de vue tout à fait partial et subjectif, je trouve les lignes générales plutôt équilibrées et agréables à regarder.
Bref, encore quelques jours à me tripoter le prototype et je sais déjà que je ne pourrai pas résister à l'envie de le découper dans le bout de métal qu'il me reste. Et d'ici là, peut être que son prédécesseur sera revenu de voyage ou que j'aurai du nouveau matériel à installer dans mon garage, qui sait?