Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs
17 Février 2022
16 février.
Après vingt jours d'attente sans la moindre nouvelle, j'ose enfin contacter le prestataire à qui j'ai confié ma création pour son traitement thermique. Lors de nos échanges précédents, mon interlocutrice m'avait annoncé 8 à 10 jours de délai et j'estime à présent qu'il est légitime de ma part de commencer à flipper sérieusement.
Pour toute réponse, je reçois un SMS de l'entreprise de livraison qui m'informe que je recevrai un colis le lendemain. Vu le nom de l'expéditeur, le retour de ma lame ne fait plus aucun doute.
17 février.
Après m'être arrangé pour me rendre disponible, me voilà en train d'attendre patiemment le livreur. Mon attente n'est que de courte durée car à 9h15 pétantes celui-ci se pointe à mon portail. Les formalités accomplies, je me retrouve seul face à mon carton. Celui-là même que j'ai expédié 24 jours plus tôt, mais cette fois-ci enrubanné d'une douzaine de mètres de scotch ultra-fort.
Sortant mon fidèle Coyote d'André Verdier de la poche (oui, c'est l'objet de ma prochaine critique, donc je m'impose l'usage exclusif de ce modèle... inhabituel) pour tailler délicatement le ruban adhésif, couche après couche.
Les questions restées en suspend depuis plus de trois semaines m'assaillent: l'émouture est-elle partie en Pringles? La surface de la lame a-t-elle changé de couleur? Y a-t-il eu de la casse lors de la trempe? A mesure que je m'approche de l'objectif, ma gorge se noue. Le traitement a été réalisé par des professionnels, et donc certainement mieux que je ne saurai le faire, mais m'aurait-on prévenu en cas de problème? Vu l'absence totale de transparence du prestataire, je crains encore une mauvaise surprise.
La boite ouverte, le paysage me semble familier: ce sont les mêmes papiers journaux et le même étui en carton qui protègent ma lame que lorsque je l'avais expédiée... A croire qu'ils se sont contentés de la poser sur une étagère pendant trois semaines avant de me la renvoyer telle qu'elle!
Néanmoins, je constate que le scotch a lui aussi été remplacé, ce qui est plutôt de bon augure.
Enfin, mon engeance est libérée et mes doutes dissipés. La géométrie n'a pas bougé d'un poil et la surface ne semble que très légèrement assombrie. Ma lame n'a manifestement pas souffert de son petit voyage. Sur la soie, un poinçon à peine visible m'indique qu'un test de dureté a été effectué. J'aurais apprécié que l'on m'en communique le résultat, même si ça ne m'aurait pas servi à grand chose, mais j'avoue ne pas être surpris par l'opacité de la chose, au vu des échanges que j'ai eu jusqu'ici avec le prestataire.
En attendant de pouvoir lui consacrer un peu de temps, je mets ma précieuse de côté, accompagnée d'échantillons de papier abrasif échelonnés de 80 jusqu'à 1000 en vue d'une reprise d'émouture pour supprimer les dernières rayures laissées par la lime et d'un polissage en bonne et due forme.
Quelques heures plus tard, me voilà installé dans le canapé, mon futur couteau sur les genoux et un carré de 80 à la main. L'objectif est simple: dégrossir le futur fil et nettoyer les rayures.
Je commence avec légèreté pour m'apercevoir que mon papier ne laisse pas la moindre marque à la surface du métal. J'ajuste donc la pression à la hausse, mais cela ne m'amène qu'au constat que ça ne change pas grand chose.
"Fichtre, dis-je dans un élan de grossièreté qui ne m'est pas familier, l'abrasif doit être mort!" pour remédier à la situation, je replie mon petit carré à l'envers et attaque avec une surface toute fraiche. Cette fois, je vois effectivement le métal se dépolir progressivement, mais d'une façon incroyablement décourageante. L'obstination de ma lame nouvellement durcie à refuser l'action abrasive est à la fois de bon augure pour la tenue de son futur tranchant, et un poil contrariante pour mes projets à court terme.
En l'absence de backstand (c'est en cours, mais il va falloir être patient), je sais d'ores et déjà que je vais en avoir pour des heures à reprendre tout ça à la main, avec mes petits carrés d'abrasif. Alors je me colle devant le film du soir et je donne du poignet comme quand j'étais adolescent et seul.
Deux heures et demi plus tard, il me semble que les rayures en bas de l'émouture se sont un peu estompées et j'ai même l'impression d'avoir légèrement estompé la marche qui sépare la partie pleinement émoulue de celle située sous mon entablure en biais, côté gauche. Mais comme il fait complètement nuit, il faudra attendre demain pour faire le point.
En attendant, j'ai les doigts en choucroute, une vilaine crampe à l'avant-bras et très envie de dormir donc c'est l'heure de tirer le rideau.
A bientôt pour la suite.