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Escapades coutelières

Voyage autour du monde à la découverte de couteaux d'ici et d'ailleurs

TB Outdoor "Bivouac": la dinette du commando

TB Outdoor "Bivouac": la dinette du commando
L'introduction

Cher lecteur bonjour,

Depuis la nuit des temps, l'humanité n'a eu de cesse de repenser ses plus belles inventions pour aller toujours de l'avant. Cette proportion propension à innover en permanence a permis à l'homo-sapiens-sapiens d'atteindre le degré d'avancement technologique qui est aujourd'hui le sien, et grâce auquel il est devenu sans la moindre contestation possible l'espèce dominante de cette planète.

Si le couteau a peut-être été son premier outil, il n'a pas pour autant échappé à cette soif de perfectionnement. C'est la raison pour laquelle, après plusieurs dizaines de milliers d'années d'évolution incessante, le silex taillé a enfin pu devenir, d'optimisation en amélioration, l'outil ultime sur lequel nous allons nous pencher aujourd'hui: un modèle de perfection fonctionnelle conçu pour subvenir à tous les besoins de l'homme moderne.

Cette pièce de collection m'a été offerte dans les années 2000 par un ami de longue date, avec qui j'avais l'habitude de tailler la route à l'époque révolue où je prenais mes shoots d'adrénaline en essorant la poignée d'un moteur sur roues. Le piquenique étant alors une pratique inhérente à nos escapades, il fit dont à plusieurs membres de son association d'un exemplaire de ce couteau multifonctions, robuste, pratique et compact, comme le décrit avec tant de justesse le site materiel-aventure.fr au point même de le recommander pour la survie.

Il m'aura toutefois fallu de fastidieuses recherches et l'aide de mes proches pour en identifier le fabricant, car celui-ci a manifestement jugé bon de choisir un marquage particulièrement discret, et de dissimuler ce dernier derrière l'un des outils intégrés à ce petit bijou. Simple négligence ou excès de modestie? Toujours est-il que c'est à "TB Outdoor", une coutellerie française basée à Thiers, que nous devons la réalisation de cette merveille.

Fondée en 1648, l'entreprise a pris un tournant décisif en 1996 en se spécialisant dans la production de fournitures pour l'armée. Le "Bivouac" est le fruit de cette première collaboration. Il fera partie de l'équipement réglementaire du soldat de 1996 à 2001 avant d'être remplacé au poste de "couteau de campagne" par son successeur le "Baroudeur" qui officiera jusqu'en 2017. En 2018, c'est au tour d'une autre création de l'entreprise, le "C. A. C.", de reprendre ce rôle qu'elle occupe encore. Cette ultime création en dit d'ailleurs long sur l'état d'esprit de l'entreprise car ce "concentré de technologie" est tellement innovant qu'on pourrait le croire, avec son verrouillage "par axe mobile" outrageusement pompé sur l'axis-lock de Benchmade, tout droit sorti d'un atelier asiatique spécialisé dans la contrefaçon de couteaux américains.

C'est donc de cette entreprise méconnue du grand public, mais apparemment pas des militaires pour qui elle réalise également des dagues de combat, que nous vient le couteau du jour. Un couteau que l'on retrouve aujourd'hui principalement dans les boutiques d'équipement pour le camping et la randonnée. C'est donc prioritairement de ce point de vue que nous allons nous y intéresser.

Le tour du propriétaire

Dans la mesure où le fait de se nourrir fait indéniablement partie des activités nécessaires à la survie, alors on peut en effet affubler ce superbe morceau de plastique et d'acier du suffixe "de survie", et cela aussi certainement que l'on pourrait le faire avec un gobelet, une assiette, ou tout autre accessoire lié de près ou de loin à toute forme d'activité alimentaire.

Ci-dessus, un lave-vaisselle "de survie" rempli d'assiettes et de couverts "de survie" souillés de restes de nourriture "de survie".

Ci-dessus, un lave-vaisselle "de survie" rempli d'assiettes et de couverts "de survie" souillés de restes de nourriture "de survie".

Car nous sommes ici en présence d'un accessoire qui propose non pas une, ni deux et encore moins trois fonctions, mais SEPT (oui madame, SEPT) accessoires différents, tous (ou presque) associés à l'activité alimentaire.

En sus d'une lame dotée d'un système de verrouillage à la raison d'être contestable, ce magnifique zobjetmaryse propose également une paire de couverts amovibles faisant également office de tournevis et de clef hexagonale, ainsi que deux accessoires indispensables à tout gastronome digne de ce nom: un ouvre-boite pour les festins de raviolis froids à même la conserve et un tire-bouchon pour ne plus avoir à ouvrir son pif à coups de godasse. Le tout monté sur un manche en plastique massif (et, à en croire son constructeur, "ergonomique") qui représente sans aucun doute la pièce maîtresse de cet assemblage.

Et s'il n'est aujourd'hui plus utilisé par nos militaires, les descriptifs des boutiques en ligne ne se privent ni d'accompagner cet article de tous les logos "armée française" qu'ils jugent nécessaires, ni de vanter le fait qu'il fasse partie de la "sélection officielle" de la dotation du soldat. Car derrière cette mention aussi obsolète que trompeuse se cache la volonté de convaincre le randonneur amateur qu'il est sur le point d'acquérir l'équipement exclusif qui fera de lui l'égal d'un commando d'élite face aux rudesses de la nature. Qu'il se prépare à une grande déception!

La lame

Commençons par le commencement, car avant d'être un tiroir de cuisine doublé d'une caisse à outil transportable, cet objet est surtout un couteau. À ce titre, il est doté d'une lame, et nous lui en savons gré.

Voilà une fierté nationale complètement assumée.

Voilà une fierté nationale complètement assumée.

Caractéristiques techniques
Longueur 90mm
Longueur de coupe 87mm
Hauteur 23mm
Épaisseur 1.8mm
Épaisseur derrière le fil 0.3mm
Angle d'émouture primaire 1.86°
Type d'émouture primaire Plate
Matériau Acier trempé*
Dureté Avérée*

(* données constructeur)

La première chose qui interpelle l'amateur éclairé à la vue de cette lame, c'est la mention "inox France" qui veut à la fois tout et rien dire. La quantité d'alliages correspondant à cette définition est astronomique, si tant est que "inox" et "France" doivent être interprétés comme faisant partie de la même locution et que l'inox en question vient effectivement d'un haut fourneau tricolore. Dans le cas contraire, la liste des possibilités recouvre simplement l'intégralité des aciers inoxydables du monde. Tout ce que l'on peut raisonnablement être amené à penser, c'est que l'acier choisi par TB Outdoor n'est manifestement pas assez qualitatif pour être revendiqué. Ce sentiment s'en trouve renforcé lorsqu'à la lecture du catalogue officiel du constructeur, on y découvre le terme "Acier trempé", qui désigne techniquement n'importe quel alliage de fer et de carbone capable de former de la martensite et ayant subi le traitement thermique éponyme.

Un tel flou artistique sur le choix du matériau n'est pas de bon augure car la barre n'est pourtant pas placée très haute par la concurrence, comme le prouve ce genre d'indication trouvée sur un couteau de cuisine dont je garderai la marque secrète:

...Et dieu sait qu'il n'y a pas de quoi être fier d'un X50CrMoV15!

...Et dieu sait qu'il n'y a pas de quoi être fier d'un X50CrMoV15!

Ce manque de transparence est d'autant plus inquiétant que le constructeur ne se prive pas de vanter de façon dithyrambique les mérites des alliages tout-sauf-extraordinaires dont il fait ses autres modèles, à commencer par son "Nitrox®", clone chimique du MA5 lui aussi produit sur Thiers ou encore le "MOX®", une autre appellation propriétaire de la formule utilisée pour le Böhler N690.

Ce n'est donc qu'en s'appuyant sur l'expérience, et sur quelques tentatives d'affûtage, que l'on peut constater l'évidente tendreté de l'acier trempé en question, qu'il est délicat de rendre rasoir et qui perd son mordant à l'issue d'une poignée de coupes seulement. En d'autres termes: que c'est bel et bien de la merde.

Pour un usage alimentaire toutefois, les dimensions généreuses de cette lame, son émouture pleine ainsi que sa finesse remarquable lui permettent de mener à bien diverses tâches allant de l'étalage du pâté au coupage du saucisson. Elle manque toutefois de longueur pour couper une tranche de pain ou émincer un oignon. En outre, sa géométrie associée au volume maladroit du manche qui l'accompagne la rendent impropre à la préparation culinaire: le simple fait que son fil ne puisse pas toucher le plan de travail en dehors de sa section convexe est en ce sens éliminatoire.

Donc là, 80% du fil est inexploitable pour la cuisine. Brillant pour un couteau "alimentaire"!

Donc là, 80% du fil est inexploitable pour la cuisine. Brillant pour un couteau "alimentaire"!

On notera également une pointe tronquée, et pourtant affûtée sur son méplat, ce qui tend à prouver le caractère intentionnel de cette surface dénuée de tout usage pratique et pourtant relativement dangereuse pour son utilisateur.

Ou alors pour servir de tout petit ciseau à bois?

Ou alors pour servir de tout petit ciseau à bois?

Compte tenu de ces divers aspects, autant que de l'évidente fragilité de cette lame, on est en droit de s'interroger sur la pertinence de cet outil en situation de survie, et cela en dépit d'un mécanisme de verrouillage qui incite à toutes les folies. Ni la faible épaisseur de métal disponible, ni le jeu catastrophique accusé par cette lame ne permettent d'envisager une tâche un tant soit peu exigeante avec sérénité.

Le reste

En sus de cette lame exclusivement réservée à la dinette donc, le Bivouac nous gratifie de toute une collection d'accessoires absolument indispensables pour le militaire en promenade comme pour le randonneur en mission.

Pour commencer, glissée le long du manche et dissimulant l'unique référence au fabricant (un "TB" moulé dans le plastique et qui ressemble davantage à un tampon du contrôle qualité qu'à un marquage constructeur), on trouve une fourchette 100% amovible qui permet de piquer dans la bouffe de sorte à manger ses chips et son sandouiche sans se salir les doigts. A moins que ça ne soit pour déguster le bœuf bourguignon que moumoune aura cuisiné dans la kitchenette du camping-car, mais pour lequel il ne faut surtout pas utiliser les fourchettes du tiroir parce que ça fait moins "nature".

C'est pas un service Rothchild mais presque... Mention spéciale pour le "TB" fièrement dissimulé derrière la fourchette: plus assumé, on ne trouve pas!
C'est pas un service Rothchild mais presque... Mention spéciale pour le "TB" fièrement dissimulé derrière la fourchette: plus assumé, on ne trouve pas!

C'est pas un service Rothchild mais presque... Mention spéciale pour le "TB" fièrement dissimulé derrière la fourchette: plus assumé, on ne trouve pas!

En plus d'être si courte et de présenter des angles tellement vifs qu'elle en devient inconfortable à l'usage, cette fourchette de fortune se révèle impropre à la plupart des situations en raison de dents trop courtes, coniques, incurvées et épaisses pour permettre de saisir confortablement sa prise.

Face à cette merveille d'ergonomie, une cuillère est (elle aussi) glissée le long du manche et complètement amovible. Détail amusant, elle cache -elle- un véritable tampon du contrôle qualité, si tant est que qu'on puisse parler de qualité en évoquant cet objet.

Indispensable pour touiller le café "de survie" que vous aurez préparé dans votre cafetière "de survie", la cuillère dissimule "l'autre marquage" du manche.
Indispensable pour touiller le café "de survie" que vous aurez préparé dans votre cafetière "de survie", la cuillère dissimule "l'autre marquage" du manche.

Indispensable pour touiller le café "de survie" que vous aurez préparé dans votre cafetière "de survie", la cuillère dissimule "l'autre marquage" du manche.

Presque pas aussi inconfortable que la fourchette qu'elle accompagne, cette cuillère brille avant tout par sa pluralité fonctionnelle, car l'extrémité de son manche dissimule un tournevis plat que vous aurez à cœur d'utiliser pour resserrer les ...vis... que vous croiserez... dans la nature(?), ainsi qu'une clef hexagonale de 10 qui aurait pu être utilisée en conjonction avec le susdit tournevis si ces deux accessoires n'avaient pas étés aménagés sur la même pièce de métal.

En résumé, si ces outils sont certainement indispensable au soldat qui aime démonter son FAMAS durant la pause déjeuner, on ne peut que s'interroger sur l'utilité de ce petit "plus bricolage" dans un contexte dinette/nature.

Pour en finir avec les multiples attributs de ce couteau, on ne peut faire l'impasse sur le tire-bouchon, presque caricatural dans son association systématique avec les corps armés, comme si le milouf de base ne pouvait pas survivre quelques heures sans son litron de rouquin, et un ouvre-boîte "affûté" (que certains essaient également de nous vendre comme décapsuleur) avec lequel je souhaite bien du courage à quiconque essayerait d'ouvrir une boite pour de vrai.

Qui a déjà essayé d'ouvrir une boite de cassoulet à la barre à mine?
Qui a déjà essayé d'ouvrir une boite de cassoulet à la barre à mine?

Qui a déjà essayé d'ouvrir une boite de cassoulet à la barre à mine?

Le manche

Cette magnifique pièce de plastique ABS, aussi ergonomique que robuste (c'est à dire: ni l'un, ni l'autre), constitue sans aucun doute la quintessence de ce cocktail détonant.

Caractéristiques techniques
Longueur 140mm
Hauteur 30.5mm
Épaisseur 20mm
Matériau ABS

Le moins que l'on puisse dire de ce manche, c'est qu'il est volumineux. La faute non seulement au volume nécessaire pour accueillir tous les accessoires, mais également aux accessoires eux-mêmes qui sont bel et bien présents dans l'immense majorité des situations au cours desquelles on est amené à utiliser ce couteau. Il en résulte que pour se servir simplement de la lame, comme on le fait avec n'importe quel couteau ordinaire, il faut également serrer dans sa main l'épaisseur d'un dos de cuillère et des dents d'une fourchette.

Cela dit, s'ils sont responsables de par leurs mouvements intempestifs d'une ergonomie à géométrie variable aussi déstabilisante qu'inconfortable, la présence de ces couverts dans l'épaisseur du manche n'est pas fondamentalement pire que leur absence, qui laisse un vide déplaisant, et une tranchée qui s'avère franchement douloureuse au moindre effort soutenu.

Quant à la robustesse revendiquée de l'ensemble, ce n'est qu'en retirant les fameux couverts que l'on réalise à quel point le manche lui-même est sujet à une déformation obscène, la moindre pression soutenue suffisant à faire se toucher les parois de la gouttière de rangement de la lame dans un craquement sinistre.

Et si comme ça, ça a l'air dégueulasse, attendez d'entendre la bande son!

Et si comme ça, ça a l'air dégueulasse, attendez d'entendre la bande son!

En outre, cette faiblesse structurelle que l'on peut sans grand effort intellectuel attribuer à l'absence de véritables platines est responsable du manque de tenue de l'ensemble du couteau, dont la lame se promène à son extrémité de plusieurs millimètres, au gré des déformations de son support.

Et que dire de la quincaillerie, intégralement inoxydable sur le papier mais qui pour une raison indéterminée s'est mise à rouiller sur mon exemplaire et cela malgré l'absence d'exposition à toute forme d'humidité?

Keuwah?!

Keuwah?!

Enfin quand je dis "la quincaillerie"... Toute la quincaillerie? Non! un trio de rivets résiste encore et toujours à l'envahisseur! Seules les vis ont rendu l'âme. Les vis et le tenon permettant de déplier l'ouvre-boîte, lequel s'est en outre octroyé le droit de contaminer l'outil avec lequel il est en contact.

Et oui, la rouille c'est contagieux! Alors quand on fait de la merde avec la visserie, ce sont les lames qui trinquent.

Et oui, la rouille c'est contagieux! Alors quand on fait de la merde avec la visserie, ce sont les lames qui trinquent.

Décidément, on peut vraiment dire que le manche du Bivouac est, à tout point de vue, le véritable joyau de cette couronne.

L'articulation

Faire l'éloge du système d'articulation qui constitue de couteau, c'est prendre le temps de se pencher sur pas moins de deux crans plats et un cran à pompe.

Il n'y a heureusement pas grand chose à dire sur le cran plat qui retient le tire-bouchon, si ce n'est qu'il est un peu mou et pas très convaincant dans son rôle.

En revanche, pour celui attribué à l'ouvre-boîte, c'est une autre histoire! En plus d'être gagné par la corrosion, et cela d'une manière irréversible à cause du caractère indémontable de l'ensemble du couteau, il agit sur l'outil qu'il surveille avec une telle vigueur qu'il est de fait pratiquement impossible d'ouvrir ce dernier sans y laisser un morceau d'ongle ou de doigt, même en utilisant l'ergot prévu à cet effet.

Par chance (?), l'ouvre-boîte étant de toutes façons parfaitement inaccessible tant que la cuillère-clef-de-10 est en place, il est au préalable nécessaire de démonter cette dernière, ce qui permet d'en utiliser l'orifice pour vaincre le cran sans blessure.

Finalement, elle sert à quelque chose cette clef de 10!

Finalement, elle sert à quelque chose cette clef de 10!

Enfin, cerise sur le gâteau, la lame principale est maintenue par un cran à pompe. Un système qui semble tellement dispropensionné disproportionné au regard du manche complètement branlant auquel il est associé, et dont la seule présence pourrait même inciter quelque amateur non-averti à utiliser ce morceau de métal pour "faire du bouche-cräfte" et y laisser quelques doigts au passage.

Non seulement il ne fait aucun doute que le plastique du manche se disloquera à la moindre tentative de faire autre chose qu'étaler du beurre ou couper une pomme de terre vapeur, mais le caractère hautement proéminent de l'extrémité de la pompe par rapport au dos du manche fait qu'en outre, cette dernière se déverrouille spontanément dès lors que l'on serre celui-ci avec un peu trop d'insistance.

Autant ce type de conception fonctionne sur un Kiana, autant là... Ben non en fait.

Autant ce type de conception fonctionne sur un Kiana, autant là... Ben non en fait.

Le transport

Pour emmener cet accessoire de survie partout avec soi dans les environnements les plus extrêmes, le Bivouac est livré avec une housse en tissu synthétique fermée par un scratch et dotée d'un passant de ceinture ainsi que d'une agrafe métallique que je n'ai jamais su utiliser correctement faute d'avoir fait polytechnique.

L'agrafe, je l'ai perdue depuis des années mais elle ne m'a jamais manquée.

L'agrafe, je l'ai perdue depuis des années mais elle ne m'a jamais manquée.

Nul doute que le commando en mission d'infiltration réservera une place de choix à sa ceinture pour cette dinette portable aussi indispensable que discrète, au détriment sans doute d'un chargeur de munitions supplémentaire, d'une véritable arme blanche ou encore d'une ration de survie, autant d'équipements qui semblent dérisoirement superflus au regard du besoin d'avoir toujours sa fourchette à portée de main en situation de vie ou de mort.

Pour le randonneur en revanche, et vu l'inadéquation notable de cette lame avec toute forme d'usage autre qu'alimentaire, on lui préférera le fond du sac à dos d'où il attendra patiemment une occasion de se rendre utile, sagement rangé aux côtés d'une timbale, d'un gobelet et/ou d'un nécessaire allume-feu.

Du point de vue de l'acceptabilité sociale, on ne peu nier à cet objet de très bonnes dispositions à se faire accepter autour du feu de camp à l'heure de la soupe, un peu moins à la table des hôtes dont vous snobez les couverts en argent pour utiliser votre propre fourchette de camping.

Le retour sur investissement

Disponible entre 20 et 35€ selon les commerces, une telle somme peut sembler excessive pour une lame qui ne remplit pas son office principal de façon convaincante. Pour la moitié de ce prix, on peut se procurer de véritables couteaux de poche autrement plus qualitatifs.

Si l'on considère cependant cet objet par le biais de son caractère multi fonctions, on peut sans doute justifier plus facilement son tarif, mais pas forcément son utilité. Étant moi-même prompt à partir en escapade, je ne peux que constater le fait que, bien qu'il soit entreposé de façon permanente dans le camion qui me sert de maison mobile, il ne m'a à ce jour jamais été nécessaire. Je lui préfère sans la moindre hésitation le véritable couteau que l'humeur du jour aura glissé dans ma poche et la cuillère un peu crasseuse mais autrement plus confortable qui traîne sur mon tableau de bord. Quand à l'utilité du tire-bouchon intégré, je suis de ceux qui argumentent volontiers que si l'on peut se payer de luxe de s'encombrer d'une bouteille en verre, je ne vois pas pour quelle raison on ne pourrait y adjoindre un sommelier dont l'utilisation est autrement plus confortable. Dans tous les autres cas hypothétiques où le pinard serait indispensable, je ne peux que recommander le choix d'un cubitainer (voire uniquement de la poche souple de ce dernier) qui est à la fois plus facile d'utilisation, plus facile à transporter, et mieux adapté à la conservation.

Et s'agissant de la dotation réglementaire du soldat, je ne peux qu'adresser mes sincères condoléances aux malchanceux qui ont dû, pendant au moins cinq années consécutives, ce farcir cette ignominie. Si tous les films de la "sélection officielle" du festival de Cannes ne reçoivent pas de palme, tous les équipements de la "sélection officielle" de l'armée ne méritent pas d'être embarqués. Un véritable couteau accompagné d'une paire de couverts possède le double avantage de prendre moins de place et d'être bien plus confortables à utiliser.

En définitive, si le prix de cette dinette peut sembler raisonnable, même au regard de la qualité déplorable de ses finitions et du choix contestable de ses matériaux (je rappelle que la quincaillerie s'oxyde spontanément), c'est avant tout sur l'utilité d'un tel investissement que l'on est en droit de s'interroger surtout lorsque l'on compare les solutions alternatives.

Parfaitement adéquat dans le cadre d'un cadeau offert en guise de clin d'œil, il ne constitue pas pour autant un ajout nécessaire à toute collection digne de ce nom, pas plus qu'un outil indispensable pour la vie au grand air.

La conclusion

Au cours de ce voyage, nous avons jusqu'ici croisé des couteaux extrêmement qualitatifs et chers, des couteaux de bonne facture mais très abordables et même un couteau scandaleusement bâclé au tarif néanmoins élevé...

Il ne nous manquait qu'un couteau de piètre qualité et à petit prix pour compléter le spectre des possibilités, et c'est à présent chose faite grâce à un jouet en plastique "made in France" qui ose revendiquer sa filiation avec les forces armées pour tenter de s'octroyer une quelconque légitimité. Ainsi, s'il est souvent justifié de critiquer la qualité de certaines productions asiatiques, il faut toujours le faire en gardant à l'esprit que nous aussi, nous possédons à domicile le potentiel inaliénable de faire de la bonne daube.

C'est avec cette pensée, qui incite à l'humilité, que nous continuerons notre voyage à la découverte des couteaux d'ici et d'ailleurs. Votre guide touristique n'ayant pas encore choisi sa prochaine destination, il est encore temps de lui faire vos suggestions. Êtes-vous amusés par les vols low-cost lors desquels il faut payer un supplément pour avoir une ceinture ou plutôt tentés par un voyage en première classe avec champagne et petits fours? Il ne tient qu'à vous de me faire parts de vos souhaits. Pour le catalogue des destinations possibles, c'est par ici que ça se passe.

D'ici là, passez une bonne journée, avec ou sans bivouac.

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